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lundi 20 mai 2019

Je suis un « con » qui vote




©XAVIER VILA/SIPA / 
parAurélien Marq
- 20 mai 2019

Et même si vous êtes sceptique, vous devriez faire comme moi

« Élections, piège à cons » ? Peut-être. Mais je préfère être un « con » qui tente de changer les choses plutôt que d’en être un qui ne fait rien.

Pour les élections européennes du 26 mai prochain, on nous annonce une triste abstention. 
Alors que ce scrutin mériterait notre participation massive. 
Symptôme de désillusion, sans doute, mais aussi d’un véritable refus du réel que nous devons combattre.

Je voudrais bien des choses pour l’Europe. 
Être sûr que le Parlement de Strasbourg soit un véritable contre-pouvoir démocratique face à la Commission. 
Que l’influence des lobbys y soit sérieusement réduite. 
Que le vote blanc soit clairement comptabilisé, et qu’à un certain niveau il permette d’invalider une élection. 
Que l’on introduise une dose de mandat impératif, et le RIC. 
Que tous les candidats soient honnêtes et surtout préoccupés du bien commun, et une démocratie à la hauteur des idéaux de Périclès. 
Je voudrais aussi que le loup vive en paix avec l’agneau, et la Jérusalem Céleste. 
Et je n’ai rien de tout cela ! 
Mais cela ne m’exonère pas de mes responsabilités, morales et civiques.

Les paroles, les paroles, les paroles !

Il se trouve qu’il y a dans cette élection des candidats qui m’inspirent confiance, dont la vision me plaît, et dont beaucoup de propositions me convainquent. 
Situation facile, je ne vais pas bouder le plaisir d’un vote d’adhésion ! 
Bien sûr, j’espère qu’ainsi des idées que je partage pourront influer sur notre avenir commun. 
Mais admettons qu’en raison des pesanteurs du système ce ne soit pas le cas : j’espère alors que divers partis constateront l’adhésion qu’elles suscitent, et par conviction ou par opportunisme leur donneront plus de place. 
Ce n’est certes pas tout ce que je voudrais, mais ce n’est pas rien. 
Et ce « pas rien » vaut largement que je me déplace pour aller voter.

A lire aussi: Immigration: l’Europe ne peut plus être une passoire

Imaginons même que les discours politiques ne soient que des mots. 
Sont-ils pour autant sans importance ? 
Repris dans les médias, d’autant plus repris qu’ils semblent susciter l’adhésion, ces mots définissent une ambiance, un cadre de référence, une normalité. 
Même si, parfois ou souvent, la pratique s’en éloigne il y a une différence immense entre faire quelque chose que l’on sait anormal, et faire la même chose que tout le monde trouverait normale.
Pas tous les mêmes !

Je vais voter pour une équipe dont je suis convaincu que beaucoup de membres sont sincères, et que leurs convictions sont authentiques. 
Mais quand bien même j’aurais tort, quand bien même nos futurs élus ne seraient tous que des acteurs hypocrites, je préfère qu’ils mettent en scène des valeurs en lesquelles je crois.

Et avouons que les 34 listes en présence ne sont pas interchangeables ! 
Entre ceux qui veulent l’union des communautés contre les « populismes », et ceux qui veulent l’union des nations et des peuples contre l’obscurantisme. 
Ceux qui dédaignent les racines, et ceux qui savent reconnaître tout ce qui fait une civilisation. 
Ceux qui regardent un pays et ne voient qu’une start-up, un « hub », un espace économique ou un territoire à occuper, et ceux qui savent percevoir une culture, une mémoire partagée et un lieu à habiter. 
Ceux qui s’enivrent d’un volontarisme ostentatoire et orgueilleux pour masquer leur résignation devant ce qu’ils disent inéluctable, et ceux qui savent affermir leur volonté sans arrogance, et agir vraiment tout en respectant la complexité et la fragilité des choses. 
Ceux qui se croient trop intelligents pour le peuple, et ceux qui lui parlent intelligemment. 
Ceux qui se complaisent dans l’anathème idéologique et le prêt-à-penser, et ceux qui ont le sens du débat d’idées et le courage de la réflexion. 
Ou entre un parti fondé tout exprès pour lutter contre « l’islamophobie », et ceux qui dénoncent la manipulation cachée derrière ce mot. 
Entre tout ceci, et tous ceux-ci, comment pourrait-il être sans importance de choisir ?

Même si la vie politique n’était que théâtre, l’influence de ce théâtre sur la société mériterait que nous votions tous pour déterminer la pièce que nous voulons voir inspirer le réel.

Les mains sales

Nous pouvons être déçus que la démocratie réelle ne soit pas à la hauteur de notre idéal. 
Mais c’est de la réalité que nous sommes responsables. 
L’Homme, animal debout, ne peut se lever dignement qu’entre terre et ciel, réel et idéal, en tentant de relier les deux mais sans les confondre – faute de quoi le Ciel lui tombe sur la tête ! 
Tout en restant ouvert à l’horizon de l’idéal, il se doit d’habiter pleinement la réalité. 
Si l’idéal est la lumière qui permet de trouver son chemin, ce chemin est bel et bien fait d’herbe et de boue, de fleurs et de ronces, de sentiers et d’escarpements. 
Refuser de toucher la boue, c’est rester immobile et passif. 
Vouloir contempler seulement la lumière, c’est trahir la lumière en prétendant qu’elle n’éclaire rien qui mérite d’être regardé. 
C’est la diminuer en refusant de reconnaître la beauté des teintes qu’elle prend et des scintillements qu’elle fait jaillir lorsqu’elle rencontre la rugueuse réalité.

A lire aussi: L’abstention, le choix de ceux qui n’assument pas

Le 26 mai, nous aurons à choisir entre 34 listes concurrentes, et la réalité est que nos représentants au Parlement européen seront nécessairement issus de ces listes. 
Nous pouvons nous draper d’indifférence ou de pureté arrogante, qui n’est au fond que l’ajout du mépris à l’indifférence, et ne pas voter en prétendant garder les mains propres. 
Mais nous serons comptables de la boue que nous n’aurons pas même tenté de nettoyer.

Et puisque cette campagne électorale a été l’occasion de réentendre parler de civilisation, avec cœur, intelligence et talent, elle mérite bien un peu de lyrisme.

S’abstenir, c’est laisser faire

Alors nous pourrions parler du rituel républicain des élections, humble et insigne. 
Des bénévoles qui tiennent les bureaux de vote, gardiens du geste démocratique par excellence, qui donnent gratuitement de leur temps au service de ce qui n’a pas de prix. 
De l’isoloir, de l’individualité qu’il marque à l’heure où trop d’idéologies voudraient nous assigner à résidence dans des groupes dont nous serions sommés de partager les opinions standardisées. Isolation mais non isolement, puisque le choix du bulletin glissé dans l’enveloppe a une influence sur toute la communauté et se doit de la prendre en compte : liberté et responsabilité. 
Individu autonome, mais grâce à la collectivité qui reconnaît mon unicité et défend mon autonomie. Non pas solitaire ni atomisé, mais seul face à ma conscience pour mieux peser l’intérêt général.

Nous pourrions évoquer ceux qui se sont battus et sont morts pour que nous ayons ce droit si simple et désormais si banal, des héros de Marathon à ceux de la Résistance. Invoquer Eschyle, et la divine injonction « lève-toi et vote selon ce que tu crois juste », autrement dit : cesse d’être spectateur, prend part à la marche du monde, frotte-toi à la réalité, choisis et assume.

Mais si le système représentatif et parlementaire lui-même était vicié ? 
Dans ce cas, autant aller au bout du raisonnement : faisons au moins peser sur les candidats la menace de ne pas être élus, ou réélus en fin de mandat. 
Or, la seule façon de faire que quelqu’un ne soit pas élu c’est de voter pour quelqu’un d’autre ! S’abstenir, c’est laisser faire.

Les Français te regardent

Une forte abstention entraînerait quelques commentaires attristés, mais ne changerait rien au système. Une participation massive aurait au moins ce mérite : les futurs élus sauraient que les Français attachent de l’importance à ce qu’ils font, et donc les surveillent. 
Et que s’ils sont mécontents, ils pourront voter autrement la prochaine fois, en masse. 
C’est l’ultima ratio de la démocratie, le dernier rempart contre la tyrannie : nos élus sont sur un siège éjectable, et ils le savent. 
S’abstenir, c’est fragiliser cet indispensable garde-fou. 
Et cela aussi suffirait à justifier que nous allions tous voter.

Si les candidats sont sincères, ils méritent que nous les soutenions. 
S’ils ne le sont pas, ils méritent que nous les mettions en garde.

Je vote donc je suis


Nous ne sommes pas seulement consommateurs, producteurs, contribuables, allocataires, résidents. Nous sommes des citoyens. 
Et la meilleure façon de faire que ceux qui l’auraient oublié s’en souviennent, c’est encore d’exercer ce qui est non seulement notre droit, mais aussi notre responsabilité. 
Plutôt que de hausser les épaules, et de passer notre tour en déplorant que la réalité ne soit pas ce que nous voudrions qu’elle soit, utilisons les moyens dont nous disposons pour essayer de l’améliorer, si peu que ce soit, même si le résultat est incertain. 
Les élections ne sont qu’un de ces moyens, et il est légitime de se demander si elles sont toujours le plus efficace. 
Mais elles sont un moyen, et non dénué de noblesse.

« Élections, piège à cons » ? 

Alors je préfère l’être en tombant les yeux grands ouverts dans le piège, plutôt que laisser lentement mourir la démocratie en négligeant de la faire vivre.

2 commentaires:

  1. Moi je vote pour la même personne depuis longtemps pas besoin de dire pour qui votre blog est rempli de vérité je viens souvent vous lire mais ne laisse pas de commentaire alors ce soir je laisse une trace de mon passage
    bonne continuation et bon vote

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  2. Nous sommes beaucoup à venir nous informer ici, nous sommes nombreux également à ne plus croire en cette pseudo démocratie...
    Malgré tout, j'irai voter, mais sans grande illusion....
    Courage à tous.

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