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Dans le désert syrien, une femme couverte de noir tout juste sortie du dernier réduit du groupe Etat islamique (EI) clame que le "califat" n'est pas fini, une autre promet de faire de son fils un futur jihadiste.
A peine descendus des bus qui ont transporté vendredi 2.000 personnes depuis l'ultime bastion de l'EI, femmes, enfants et hommes sont conduits vers un premier point de rassemblement dans le désert oriental de la province de Deir Ezzor.
"Mon fils grandira un jour et deviendra un jihadiste", lance en turc l'une d'entre elles à une équipe de l'AFP.
Un sac vert sur le dos, elle poursuit nerveusement son chemin à travers la foule.
Tenu par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance kurdo-arabe soutenue par la coalition internationale anti-EI dirigée par Washington, ce poste improvisé sert à identifier, entre autres, les éventuels jihadistes.
Dans un coin, des femmes sont assises à même le sol, certaines avec leurs enfants, pendant que d'autres font la queue pour se faire fouiller minutieusement par des combattantes des FDS.
"Nous sommes des sympathisantes de l'EI", martèlent trois d'entre elles, interrogées sur leur origine.
Allaitant son nouveau-né, une autre femme affirme venir de la province de Deir Ezzor.
"Qui a dit que nous avions faim là-bas?", lance-t-elle fièrement, contredisant le récit de certaines familles, poussées par la faim à fuir la dernière poche de l'EI.
© AFP
"Impuissantes"
Nombreuses sont celles qui ne cachent pas leur amertume de voir le "califat" se réduire comme peau de chagrin.
A son apogée en 2014, l'EI régnait sur un territoire vaste comme la Grande-Bretagne.
Désormais, l'organisation ultra-radicale ne contrôle plus que quelques pâtés de maisons aux confins orientaux de la Syrie.
"Les choses se sont (juste) compliquées", résume la jeune mère.
"Nous ne voulions pas sortir à la base, et si l'ordre n'avait pas été donné par le calife, nous ne serions pas partis", poursuit-elle, faisant allusion au chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, toujours porté disparu.
"Je souhaite le retour du califat islamique et son expansion aux quatre coins du monde", renchérit-elle, dissimulée derrière son niqab.
En face, des hommes accroupis en file indienne attendent leur tour pour être fouillés.
L'un d'eux, amputé en dessous de la taille, porte une prothèse de jambe et tente de suivre le mouvement en s'appuyant sur ses béquilles.
D'autres profitent du temps mort pour prier.
Séparées de la gente masculine, les femmes attendent elles aussi, accompagnées de leurs enfants, parfois en bas âge, leurs valises et sacs à proximité.
Les FDS "veulent lancer une campagne (militaire) et nous, les femmes, sommes impuissantes", regrette l'une d'elles, interrogée sur les raisons qui ont poussé femmes et enfants de jihadistes à quitter massivement la dernière poche de l'EI cette semaine.
Accusant l'EI d'utiliser les civils comme "boucliers humains", les FDS et la coalition anti-EI ont ralenti leurs opérations dans l'espoir d'en évacuer le plus grand nombre.
Depuis mercredi, quelque 5.000 personnes ont quitté le réduit jihadiste.
"Nous avions juste peur des bombardements, pas d'autre chose. Pas même de la faim. Le califat islamique ne disparaîtra pas si Dieu le veut", lance Oum Abdel Rahmane, 25 ans.
En compagnie de son mari, un jihadiste qui dit avoir abandonné le combat après avoir été blessé lors d'une bataille, la jeune femme ajoute: "Nous vivions bien, pour nous il n'y avait pas de radicalisme".
Interrogée sur le rôle et le sort du chef de l'EI, Oum Abdel Rahmane raconte: "Nous écoutions ses discours, ils étaient suivis par tout le monde".
"Nous sommes honorés qu'il soit notre calife", ajoute-t-elle.
Baghdadi a fait une célèbre apparition publique, en juillet 2014, à la mosquée al-Nouri de Mossoul, grande ville du nord irakien, reprise en juillet 2017 à l'EI.
Depuis, il ne s'est plus exprimé que dans des enregistrements sonores dont le dernier remonte à août 2018, huit mois après que l'Irak a déclaré avoir gagné sa guerre contre l'EI.
Si la colère et la défiance guident certaines des femmes évacuées de l'ultime poche jihadiste en Syrie, d'autres peinent à cacher leur joie.
"Il n'était plus possible de rester à l'intérieur ni de sortir" à cause des montants vertigineux réclamés par des passeurs, raconte Sabah Mohamad Chehab, originaire d'Alep et mère d'une fille de trois mois.
Certains passeurs demandaient jusqu'à 2.000 dollars par personne, précise-t-elle avant d'ajouter, de paire avec sa voisine: "Nous sommes heureuses d'être enfin sorties".
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