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mercredi 9 janvier 2019

Lorsqu’un pouvoir suscite le désordre, peut-il légitimement rétablir l’ordre ?


 


Le gouvernement français tente désespérément de sortir d’une impasse qui n’est pas un accident mais la forme originelle et structurelle de son existence.

Les Français ont élu Emmanuel Macron par défaut, d’abord à la suite d’un coup d’Etat médiatico-judiciaire qui les a privés d’une alternance logique, et ensuite, pour ne pas voir son adversaire du second tour accéder à l’Elysée.
Le Président « jupitérien » n’a été élu que par 44% des inscrits, et parmi ceux-ci, près de la moitié, 43% ont voté « par défaut », contre son adversaire et non pour lui.
Il est soutenu à l’Assemblée par une majorité légale, mais qui n’a aucune légitimité démocratique. Lors du premier tour des législatives, 51,3% des électeurs se sont abstenus.
La République en Marche et son allié, le Modem n’ont réuni que 15,39% des inscrits et ils totalisent 354 députés sur 577, rejoints par des transfuges républicains, que leurs électeurs n’avaient sans doute pas élus dans cette intention.
Cette disproportion, accentuée par le fait que beaucoup de ces députés étaient d’illustres inconnus dénués d’expérience, fait de la majorité parlementaire un colosse aux pieds d’argile.
Une majorité de Français ne se sent pas représentée.
Lorsque des mesures impopulaires et inefficaces, assorties de propos méprisants et de comportements douteux sont devenues la marque du régime, une grande partie de la population s’est sentie trahie. C’est ce qui explique l’ampleur géographique du mouvement des « gilets jaunes », le nombre relativement élevé des manifestants, compte tenu du caractère spontané des opérations, et des risques encourus, la durée d’un mouvement qui ne s’essouffle pas vraiment, la détermination de beaucoup, et la violence de quelques-uns.
Les saillies provocatrices de certains ministres irresponsables, assimilant les opposants à des « chemises brunes », c’est-à-dire à des nazis, ont jeté de l’huile sur le feu.
Cette tentative de disqualifier le mouvement en raison de son prétendu extrémisme ayant échoué, le pouvoir manie, suivant la tradition, la carotte et le bâton.
Plus de 10 Milliards de cadeaux sélectifs ont ainsi été distribués, mais toujours avec ce « saucissonnage » des seuils, des plafonds, dont le Président du Groupe LREM à l’Assemblée, M. Le Gendre a cru pouvoir dire qu’il était un excès d’intelligence.
Avec cette balourdise, il révélait sans le vouloir la véritable dimension du problème.
Une fracture parcourt la plupart des pays développés depuis longtemps et singulièrement bien des Etats européens : elle sépare non les riches et les pauvres, mais la classe mondialisée peu soucieuse des frontières et les classes moyennes de plus en plus « déclassées », fragilisées, touchées par la concurrence étrangère des produits et des hommes, et par les atteintes à ses mode et niveau de vie. Les Français l’avaient ressentie parmi les premiers.
Elle avait servi de thème victorieux à la campagne de Chirac en 1995, et Juppé avait ensuite conduit une politique qui n’en tenait aucun compte.
Elle avait nourri l’hostilité grandissante des Français devant la construction européenne qui ne les protégeait pas.
Et par un étrange paradoxe, les Français, une minorité décisive d’entre eux, ont élu un président qui est le visage caricatural de l’oligarchie, celle des hauts fonctionnaires puisqu’il est énarque, et des milieux d’affaires, puisqu’il a été banquier.
Mondialiste, fier de parler anglais devant ses pairs de Davos, eurolâtre, Macron devait réussir un redressement économique rapide, une résorption du chômage pour faite oublier ces tares originelles. Il a préféré étaler son arrogance et ses prétentions.
Arrive donc l’heure du bâton, et le Père Fouettard s’appelle Edouard Philippe.
Mieux vaut en effet que ce soit un « républicain » renégat plutôt qu’un socialiste comme Castaner, socialiste et gaffeur, qui incarne aux yeux des partisans de l’ordre, le visage de celui-ci.
Ainsi, le gouvernement veut ficher davantage et réprimer plus sévèrement, par le biais d’une résurrection de la « Loi anti-casseurs » d’Alain Peyrefitte en 1970, abrogée par Mitterrand en 1981. Les casseurs seront fichés et seront les payeurs.
Ces propositions sont clairement de « droite » puisqu’elles ont été émises ou soutenues par la « droite » à l’Assemblée comme au Sénat, récemment, mais en visant d’autres auteurs.
On ne peut ici que souligner le cynisme d’un gouvernement, qui, lui, n’est pas de droite, mais veut appliquer aujourd’hui contre des manifestants qui sont pour beaucoup, plutôt de droite, des méthodes de répression qu’il n’a pas voulu utiliser contre les Black-blocs, ou les voyous de banlieue.
Il s’agit une fois de plus d’une manoeuvre qui tente d’utiliser les images des violences subies par les forces de l’ordre.
Il y aurait, hélas, beaucoup à dire sur celles commises par des policiers dont on imagine qu’elles n’ont été possibles qu’en raison de consignes ou de promesses de couverture de la part de la hiérarchie.
Le pouvoir actuel prétendait réunir les Français.
Sa source ne lui permettait pas d’atteindre cet objectif.
Il a aujourd’hui suscité le résultat inverse, un pays déchiré où l’on s’affronte dans la rue et qui offre une image internationale déplorable.
Les « gilets jaunes » n’en sont nullement responsables.

Celui qui sème le vent récolte la tempête.

Jupiter, c’est Eole, et s’il y a un responsable qu’il faut aller chercher, c’est comme il l’a dit un jour, lui-même !

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