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mardi 8 janvier 2019

La République attaquée par un transpalette (électrique)

 
 

Ce que les médias maastrichtiens aiment par-dessus tout, c'est ce qu’ils reprochent à leurs ennemis: l'amalgame.
 

  Ces temps-ci, chacun le voit dans les journaux, radios et télés du système: une seule hirondelle morveuse fait pour cette engeance le printemps des gilets-jaunes.
On a pu ainsi constater avec eux, et ce ad nauseam, combien un homophobe, un raciste, un antisémite, un complotiste surgissant parmi les gilets-jaunes faisait de tous les gilets-jaunes des coupables de ces crimes listés.

   Or, est-ce que le passé d'un joueur de poker, compagnon de quelques spécimens de la pègre marseillaise devenu ministre de l'Intérieur de Macron, fait de tous les ministres de Macron des joueurs de poker compagnons de la pègre marseillaise?
Je pense que même Castaner dirait que non...
C'est pourtant ainsi qu'on procède chez les ennemis des gilets-jaunes -car ils sont moins traités par eux en adversaires respectables et respectés qu'en ennemis à supprimer...

   Des gilets-jaunes ont lancé un transpalette électrique (donc écoresponsable et non polluant: un bon point pour eux...) contre la porte du ministère de Benjamin Griveaux.
La belle affaire!
Voici donc qu'en guise de résumé de ce nouveau samedi jaune, le transpalette est presque présenté par les journalistes comme un char d'assaut, un Rafale de la dernière génération, un sous-marin à propulsion nucléaire, un engin de guerre furtif, le dernier cri de la technologie meurtrière d’État, le petit bijou secret de Dassault.

  On nous dit également que le transpalette a été lancé contre la République en personne!
Tudieu... Si la République est mise en péril par un transpalette, soit le pouvoir du transpalette est grand, soit la République est bien faible, soit encore ceux qui tiennent ce genre de discours prennent leurs auditeurs pour des imbéciles.
Je penche plutôt pour cette dernière hypothèse...


   Je remarque au passage que, reprenant comme un seul homme les éléments de langage du ministre, les journalistes parlent d'un "engin de chantier" alors que, comme son étymologie l’indique (mais encore faut-il ne pas ignorer le mot, donc la chose, bien connus de la plupart des gilets-jaunes...), le transpalette permet de déplacer des palettes dans des entrepôts, des hangars, des halles, des dépôts, des cours d'usine, ce qui ne relève pas à proprement parler du chantier...
Plus intelligente que le ministre, ses conseillers, ses communicants et les (ses...) journalistes, ce qui n'est pas peu dire, la notice Wikipédia du "transpalette" dit: "On retrouve les transpalettes dans les centres de distribution, entrepôts, commerces au détail, camions, etc.".
Un sophiste des communicants du Château dirait que cet "etc." cache le mot "chantier"... Sylvain Fort, la plume du Président qui, je le sais, lisait attentivement mes chroniques et qui vient de quitter le navire avec les rats, n'est plus là pour rédiger une note avec cet élément de langage.

    L'amalgame, ici, c'est de résumer l'acte VIII des gilets-jaunes à cette affaire de la République attaquée par un transpalette!
Un seul transpalette défonce la porte d'un ministère et ce sont tous les transpalettes qui défoncent en même temps toutes les portes des ministères avec pour objectif de faire tomber la République! Concluons qu'avec ce modeste transpalette sur lequel étaient juchés des personnages sortis tout droit de Rabelais et qui se marraient en défonçant une porte, les gilets-jaunes avaient pour but avoué de fomenter un coup d'État -comme jadis Pinochet avec les chars de l'armée chilienne...
Rien moins, sinon, quoi?

   Écoutons en effet le macronien qui voudrait se faire passer pour le président socialiste chilien réfugié dans son ministère pendant que gronde le bruit de moteur électrique du transpalette: l'homme a sauvé sa vie avec une exfiltration du genre commando -en fait, avec son couteau et son portable sous le bras, il est parti sans encombre par une autre porte...
Il confie au journal "20 Minutes": "Ce n’est pas moi qui suis visé, c’est la République (sic)", par "ceux qui souhaitent l’insurrection, renverser le gouvernement", mais "la République tient debout". L'a-t-on bien compris?
Ce que ce transpalette venait faire, c'était faire chuter la République en entrant dans son bureau -ce qui, pour un transpalette, reste une performance logistique inédite à ce jour, même chevauché par un quarteron de Pieds Nickelés...

   Un journaliste du "Monde", journal ami de Macron et ennemi des gilets-jaunes, était comme par hasard justement dans le bureau du pauvre homme afin de relayer la bonne parole macronienne à ses lecteurs de la gauche de droite.
Le journal titre: "Récit de l’évacuation (sic) de Benjamin Griveaux après l’irruption (sic) de manifestants dans son ministère"!
On tremble...
On apprend par ce reportage de guerre que la République a été sauvée par la fuite du ministre & du journaliste, "dans la précipitation mais sans heurt (sic) à travers le jardin du ministère et la cour intérieure d’un immeuble voisin.
Une 'sortie de secours' (sic) qui débouche dans une petite rue adjacente à la rue de Grenelle dont le 101 accueille le ministère du porte-parolat.
Le 'passage secret' (sic) avait déjà été utilisé lors d’une première intrusion le jour de 'l’acte II' des 'gilets jaunes'."
Où l'on voit que l'on a échappé à un carnage, car le transpalette aurait pu réussir tout seul à grimper les étages, à se frayer un passage dans le labyrinthe des couloirs, avant de se retrouver devant le bureau vide du ministre!
Une fois arrivé, il aurait probablement pu tirer, bien qu’il ne possède pas de canon ou de mitrailleuse...
A BFM, on aurait pu soutenir cette thèse, à France-Inter aussi!

   Sur Twitter, le chef de l'État se fend de ce commentaire: "Une fois encore (sic), une extrême violence (sic) est venue attaquer la République (sic) –ses gardiens, ses représentants, ses symboles [1].
Ceux qui commettent ces actes oublient le cœur de notre pacte civique (sic).
Justice sera faite.
Chacun doit se ressaisir pour faire advenir le débat et le dialogue."
Que raconte ce message concocté par les communicants du Château?

   "Une fois encore" dit que les gilets-jaunes ne sont que dans la violence, mais jamais dans la revendication pacifique, jamais sur les ronds-points dans l'occupation fraternelle et débonnaire, amicale et festive, jamais dans les manifestations bon enfant.
Pour comprendre un peu d'où vient cette violence, il serait intéressant de savoir où se trouvent depuis quelques semaines certains policiers dont le métier a toujours consisté, sous tous les régimes, à infiltrer les défilés pour initier les violences qui permettent ensuite de discréditer les manifestants. C'est vieux comme le monde...
Depuis que Benalla ne fait plus ce travail, après avoir été filmé la main dans le sac, où sont ses semblables?

  "Une extrême violence"? Mais alors comment doit-on qualifier le massacre physique de nombre de gilets-jaunes présents dans les manifestations et qui ont été défigurés, énucléés, explosés, ravagés? Des photos montrent un grand nombre de victimes ayant perdu un œil, dont les dents ont sauté, les arcades sourcilières explosé, qui ont perdu des morceaux d’os, des lambeaux de cuir chevelu, voire une partie du visage?
Si un trou dans une porte, qui se remplace, c'est "une extrême violence", alors comment qualifier des trous dans le visage de gens définitivement défigurés?

   Une "attaque de la République"?
Mais comment peut-on faire passer ce monôme de quelques secondes, montées puis montrées en boucle par BFM pendant toute la journée, pour une tentative de putsch?
Juchés sur leur transpalette, comment les tenants de cet attelage auraient-il pu croire une seule seconde qu'avec ce véhicule électrique, ils avaient pour projet avoué de faire tomber le régime?

  Par ailleurs: comment Macron ose-t-il parler du "pacte civique ", lui qui a conseillé et accompagné longtemps François Hollande dans une politique dont le cœur est le mépris de ce pacte qui exige le sacrifice du peuple pour tracer la route libérale de l'État maastrichtien contre l'État français?
Si les gilets-jaunes sont dans la rue, c'est parce que ce pacte civique a été rompu par tous les politiciens maastrichtiens depuis des années -dont Macron.

 Car, qui se moque de la République ?
Les gilets-jaunes ou bien Macron et les siens?
Un ami bien inspiré, merci Jean-Yves, m'a envoyé un article signé Juan Branco et intitulé: "Sur un certain Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement".
Ce formidable texte [2] permet de répondre clairement à cette question: s'il existe bien des gens qui se moquent de la République, ce sont nommément Macron et Griveaux. Jugez-en:

   "Le jeune Benjamin Griveaux était payé très cher (10.000 euros mensuels) quand il travaillait au cabinet de Marisol Touraine; il a quitté ce poste en 2014 pour un autre plus juteux (17.000 euros mensuel) afin de monnayer son carnet d'adresses avec un objectif bien précis: 's'assurer que personne au ministère des Finances ne propose d'abolir une niche fiscale favorable à l'entreprise'.
Ses moyens? Les réseaux que l'État lui avait confiés."

Et Juan Branco de révéler que, pendant ce temps, Benjamin Grivaux charge son ami Gabriel Attal, 23 ans, sans expérience, sans diplômes du supérieur, de recruter des chargés de mission socialistes pour faire la campagne de Macron en sous-main.

L'État, via le ministère de la Santé et des Affaires sociales, le payait pour faire la campagne du candidat Macron...

Le même État mettait pour ce faire à son service chauffeurs et voitures de fonctions, cuisiniers et secrétaires.
Juan Branco signale à quoi ressemblait cette machine de guerre illégale et antirépublicaine.
Les amis et amies de Griveaux sont très bien servis dans cette mafia.
Les noms de Benalla, de Mimi Marchand, de Xavier Niel, de Lagardère, de Bruno Jeudy, apparaissent -ce qui n'est guère étonnant...

   Juan Branco conclut son article ainsi:

 "Ces êtres ne sont pas corrompus. Ils sont la corruption."

Chapeau l'artiste.

   Nous avons donc la réponse: quand ce transpalette défonce la porte du ministère de Griveaux, il ne s'attaque pas à la République pour l'abolir, mais à ceux qui, corrompus, la voudraient à leur image. C'est juste ce que refusent les gilets-jaunes: que ces gens-là continent leurs forfaits en toute impunité et en continuant à saigner le peuple -que la République ait cessé d'être républicaine.

   Pas sûr que les Zorro du transpalette aient su tout ça, encore que, mais ils ont juste pu se souvenir que Griveaux les méprisait au début de leur mouvement en disant qu'ils étaient "des fumeurs de clopes qui roulaient au diesel" [3].

Sur ce transpalette qui fonctionne à l’électricité, il semble que ces gilets-jaunes n'avaient pas la clope au bec!
Pareille insulte suffisait pour lui faire tâter un peu du transpalette, même de loin.
Pas de quoi faire chuter la République ni se prendre pour Allende!
Ce fut juste un pétard de fête que lui et les siens, dont les journalistes, présentent aujourd’hui en guise de résumé de l'acte VIII des gilets-jaunes, comme un genre d'attentat au lance-roquette.

   Guignols...

 Michel Onfray

________________________________

[1] J'ignorais qu'une porte et un pare-brise puissent être des symboles de la République... Je m'en faisais une autre idée.

[2]
https://blogs.mediapart.fr/juan-branco/blog/101218/sur-un-certain-benjamin-griveaux-porte-parole-du-gouvernement

[3]
http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/10/29/31002-20181029ARTFIG00214-le-mepris-siderant-de-griveaux-pour-les-gars-qui-fument-des-clopes-et-roulent-au-diesel.php

michelonfray.com

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