Louise Mushikiwabo, candidate rwandaise à la présidence de la Francophonie
Le sujet n’est pas anodin : la langue de Molière, c’est notre Commonwealth à nous
Emmanuel Macron, sachant que c’est, encore et toujours, de lui qu’il s’agit, serait peut-être ainsi bien inspiré de retourner sous sa couette ; surtout par ce temps qui ne lui réussit guère.
Faute de gouvernement présentable, n’en finissant plus de se dépêtrer de l’affaire Benalla tout en se préparant à affronter celle de madame Mimi, le voilà donc à Erevan, en Arménie, en train de présider aux destinées de la Francophonie.
Le sujet n’est pas anodin : la langue de Molière, c’est notre Commonwealth à nous.
Une façon, pour la France, de rayonner de par le vaste monde.
Bref, un enjeu géopolitique majeur.
Et c’est là « qu’en même temps », deux impératifs se bousculent.
En attendant de s’annuler l’un l’autre ? C’est bien parti.
En effet, le but de ce sommet consiste, pour l’Élysée, à se rapprocher du Rwanda, naguère pièce maîtresse de cette Françafrique dont la France se trouve aujourd’hui le parent pauvre, USAfrique et Chinafrique obligent.
La situation est d’autant plus délicate qu’entre Paris et Kigali, il y a longtemps que le torchon brûle, depuis ce génocide ayant opposé Tutsis et Hutus, remontant à plus de vingt ans et dont le monde anglo-saxon et ses épigones français (Bernard Kouchner, si tu nous lis…) nous rendent plus ou moins responsables.
À ce sujet, les ouvrages de Bernard Lugan et Pierre Péan sont plus qu’éclairants sur la question.
Mais pour tendre à cette quadrature du cercle, fallait-il pousser la nomination de la Rwandaise Louise Mushikiwabo, ancien ministre des Affaires étrangères de Paul Kagame, le président rwandais ? Surtout sachant que ce pays n’a pas hésité, en 2008, à opter pour l’anglais, alors que le français y était langue officielle, avant de rejoindre le Commonwealth plus haut cité ?
Déjà, en septembre dernier, quatre ministres français, jadis en charge de la Francophonie (Charles Josselin, Pierre-André Wiltzer, Hélène Conway-Mouret et André Vallini), s’en inquiétaient dans une tribune publiée par Le Monde.
« Y a-t-il pays au monde moins bien placé que le Rwanda pour prétendre présider aux destinées de la francophonie linguistique ? Sans doute pas… »
De manière assez prévisible, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont eu tôt fait de réagir.
Pour la première : « Je suis indignée que la France puisse soutenir une ministre de Kagame qui est violemment antifrançaise, d’un pays qui a choisi de faire de l’anglais sa langue d’enseignement, sa langue d’administration, qui a tourné le dos au français. »
Pour le second : « En poussant une telle candidature, Macron se fait l’ennemi de la Francophonie. Il montre sa fascination morbide pour la langue du libéralisme et des États-Unis. »
Cité par Le Huffington Post, l’entourage d’Emmanuel Macron précise : « Le plurilinguisme du Rwanda, loin d’être un handicap, illustre parfaitement la politique inclusive du Président, qui veut défendre le français sans l’opposer aux autres langues, une position contestée par nombre de “puristes”. »
« En même temps », qui sont les « puristes » en question ?
Les autres chefs d’État africains, principalement, qui, cités par Le Journal du dimanche, s’agacent qu’on ait ainsi pu « leur forcer la main ».
« Ça fait réseautage, ça fait Françafrique », estime l’écrivain ivoirien Alex Kipré, dans les colonnes du quotidien gouvernemental Fraternité Matin.
Pour Paul Béranger, l’un des dirigeants de l’opposition de l’île Maurice, « la façon dont le président Macron traite la Francophonie comme un jouet de la France est désastreuse ».
Ou de l’art de se fâcher avec tout le monde tout en ne se réconciliant avec personne.
C’est tout un art, effectivement.
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