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mercredi 7 mars 2018

Retraites agricoles : le gouvernement bloque le vote, les sénateurs crient au scandale

 
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Par François Vignal @francoisvi
 
En imposant le vote bloqué contre un texte des communistes sur la revalorisation des retraites agricoles, le gouvernement a réussi à lever l’ensemble des sénateurs, de gauche comme de droite, contre lui. De quoi compliquer encore les discussions sur la réforme de la Constitution.
 
Le gouvernement ne pouvait pas faire mieux pour jeter de l’huile sur le feu dans ses relations avec le Sénat.
En décidant d’utiliser l’article 44-3 de la Constitution, ou vote bloqué, l’exécutif a coupé court à la discussion sur une proposition de loi du groupe communiste sur la revalorisation des retraites agricoles.
 
Le texte, déjà adopté par l’Assemblée, avait pourtant été voté à l’unanimité en commission. Autrement dit, le texte allait être adopté.
 
Mais le gouvernement préfère attendre la réforme des retraites et vérifier la compatibilité avec son futur texte.
De quoi repousser la réforme de deux ans.
Et faire des économies d’ici là.
Car c’est aussi le coût que regarde le gouvernement regarde.
 
85% du Smic
 
La proposition de loi communiste prévoit de faire passer le minimum garanti pour les anciens chefs d’exploitation de 75% à 85% du Smic net agricole, soit de 871 à 987 euros par mois.
30.000 retraités supplémentaires bénéficieraient du dispositif pour un coût estimé à 350 millions d’euros.
Mais le report demandé par l’exécutif ne tient pas pour les sénateurs.
Toutes couleurs politiques confondues, ils crient au scandale.

Le Sénat fait corps. Si le vote bloqué avait été utilisé en 2013 sur la loi sur la sécurisation de l’emploi ou en 2010 sur la réforme des retraites, c’est une première, de mémoire de sénateur, que le gouvernement l’utilise sur une proposition de loi déposée par un groupe dans sa « niche parlementaire ».
C'est-à-dire le moment où les groupes ont la main sur l’ordre du jour…
Pour les sénateurs, après le recours aux ordonnances, et l’annonce, hier, de l’encadrement du droit d’amendement, c’est une nouvelle attaque en règle du pouvoir exécutif sur les parlementaires.
 
« Un coup de force d’une rare violence contre le Parlement »
 
« Il s’agit d’un coup de force d’une rare violence contre le Parlement » a dénoncé la présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, à l’ouverture de la séance .
« Le gouvernement utilise le gouvernement comme un paillasson » accuse sa collègue PCF Cécile Cukierman.
Un « oukase inadmissible du gouvernement au Sénat contre les retraites agricoles, le Parlement et la démocratie » s’indigne le sénateur et numéro 1 du PCF, Pierre Laurent, sur Twitter.
« Une honte » pour la sénatrice écologiste, Esther Benbassa, qui ajoute : « Où va notre démocratie ? Le jeune roi Macron n'en a que faire ».
Même indignation de la part de la majorité sénatoriale.
 « Juste après le Salon de l’agriculture, quel signal envoyé aux agriculteurs » lance le sénateur LR des Deux-Sèvres, Jean-Marie Morisset, « abasourdi » par la nouvelle.
Le président LR de la commission des lois, Philippe Bas, y voit « un précédent extrêmement dangereux », « il y a le droit. Mais il y a aussi l’abus de droit quand on sort de l’esprit de la Constitution » . 
« C’est mal augurer de l’avenir de nos discussions sur le travail législatif », ajoute le sénateur. Autrement dit, le coup de force du gouvernement va encore compliquer les discussions entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher sur la réforme constitutionnelle.
Elles n’étaient déjà pas des mieux engagées.
Si le gouvernement voulait provoquer davantage le clash avec le Sénat, il ne ferait pas mieux…
 
« Bâillonage du Parlement »
 
Le groupe PS, deuxième groupe de la Haute assemblée, est lui aussi solidaire et s’indigne tout autant. Il dénonce « un bâillonage du Parlement », « une attitude qui confirme le peu de respect du gouvernement pour la souveraineté nationale et qui inspire une grande méfiance sur la réforme constitutionnelle à venir ».
Le président de groupe, Patrick Kanner, doit justement rencontrer Edouard Philippe sur la réforme vendredi. Il ne manquera pas d’exprimer sa « très grande inquiétude sur l’utilisation de cet article pour museler le débat ».
 
Une conférence des présidents a été convoquée en fin de journée au Sénat.
La ministre en charge du dossier, Agnès Buzyn, peut encore revenir sur la décision de l’exécutif. Philippe Bas le demande « solennellement ».
Pour le sénateur du Parti radical, Jean-Marc Gabouty, « ce serait bien de sortir par le haut » et de laisser le Sénat adopter ce texte.

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