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lundi 18 décembre 2017

Terres agricoles : l’offensive chinoise en France

 
 


Henri Saint-Amand

Ces achats de terre, sans sonner le glas de la paysannerie française, depuis longtemps en déliquescence, ne manquent pas de laisser perplexe.

Après les vignobles, ce sont les terres de grandes cultures dans lesquelles les Chinois ont décidé d’investir.
Comme l’ont récemment rapporté nos confrères de France Info, ce sont encore 900 hectares des terres du Bourdonnais qui ont été rachetés en toute légalité par le groupe China Hongyang, qui avait déjà acquis, en 2016, quelque 1.700 hectares de terres agricoles dans l’Indre.
Ces achats se sont réalisés sans que la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) puisse lever le petit doigt et s’y opposer.
En effet, le groupe China Hongyang ayant acquis 98 % des parts sociales des sociétés propriétaires des terres, il est juridiquement impossible à la SAFER d’exercer son droit de préemption et de s’opposer à la vente.
Et les Chinois ne lésinent pas sur la dépense : 900 hectares pour 10 millions d’euros, soit un peu plus de 11.000 euros l’hectare, ce qui correspond presque au double de la fourchette haute du prix des terres dans le val d’Allier (6.200 euros) !
Pourquoi, donc, un tel engouement pour les terres françaises ?
 Parce qu’avec plus de 1,4 milliard d’êtres humains, l’empire du Milieu ne possède plus assez de terres agricoles pour nourrir toutes ces bouches.
En effet, la Chine, qui dispose de 8 % de la surface agricole utile (c’est-à-dire cultivable) dans le monde, doit nourrir plus de 20 % de la population mondiale…
La bonne santé de leur économie, avec une croissance moyenne du PIB d’environ 9 % sur les dix dernières années, permet d’investir presque sans compter.
L’objectif affiché est clairement de parier sur le savoir-faire français dans des domaines de prédilection partagés : le bœuf, le porc, le lait, les céréales, etc., et d’en tirer les meilleurs profits.
À cela s’ajoute le fait que l’alimentation française et son pendant, la gastronomie, bénéficient d’une image d’excellence dans un pays où la classe moyenne ne veut plus des scandales alimentaires à répétition.

Faut-il se plaindre ou se réjouir que des investisseurs étrangers achètent des terres et les cultivent ?
À vrai dire, l’investissement est à double tranchant.
Sans reprise, les terres agricoles restent inexploitées et finissent en friche.
Rares sont les investisseurs à se bousculer au portillon et l’effet d’aubaine est réel.
Au point que les agriculteurs du coin tentent de vendre directement au consortium chinois.
Mais vendre tous ces hectares aux mains de puissances économiques étrangères, c’est prendre le risque de voir les produits agricoles s’en aller sous d’autres cieux.
Car l’agriculture est devenue une arme économique et, par conséquent, stratégique silencieuse et même pernicieuse.
Cette arme alimentaire, telle qu’elle se constitue avec le consentement contraint ou voulu d’une poignée d’agriculteurs aux abois (beaucoup ne gagnent que 350 euros par mois pour 60-70 heures de travail par semaine), est devenue une réalité.
N’oublie-t-on pas un peu que certains investisseurs français avaient procédé de la même manière en Pologne et en Tchécoslovaquie après la chute du mur de Berlin, se forgeant de vraies rentes de situation ?
De plus, on ne connaît pas le type de cultures (OGM ou non) que les investisseurs comptent produire, ni les limites que ces derniers comptent se fixer en termes de surfaces ?
D’autant que la loi de 2017 sur l’accaparement des terres agricoles a été partiellement invalidée par le Conseil constitutionnel en mars 2017.

Quoi qu’il en soit, ces achats de terre, sans sonner le glas de la paysannerie française, depuis longtemps en déliquescence, ne manquent pas de laisser perplexe.

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