Selon Le Monde, Emmanuel Macron, qui voyageait avec des cheminots de la SNCF au début de l’été, leur aurait évoqué un deal qui fera date: l’État reprendrait la dette de la SNCF, mais le régime de retraite dispendieux des cheminots (financé largement par le contribuable) disparaîtrait au profit d’un grand régime universel.
Manifestement, les cheminots n’ont pas bien compris que les années de veau d’or s’achevaient.
Toute la presse en a fait ses gorges chaudes: Emmanuel Macron voudrait s’attaquer au régime de retraite des cheminots.
L’information vaut d’être relevée puisque, en quelque sorte, la SNCF servirait de laboratoire expérimental au projet de réforme systémique des retraites que la ministre Buzyn a annoncé pour le prochain quinquennat du Président.
Les cheminots CGT, principaux ennemis de la sécurité sociale
Tout cela est évidemment l’occasion de rappeler quelques anomalies que la bien-pensance et la presse subventionnée évitent de relever.
En premier lieu, il faut rappeler que s’il existe un régime spécial de retraites pour les agents de la SNCF, c’est bien parce que ceux-ci n’ont pas voulu, en 1945, intégrer le régime général.
Tous ceux qui nous vantent aujourd’hui les bienfaits du Conseil National de la Résistance et de la « Sociale » feraient bien de se souvenir que les premiers ennemis de la sécurité sociale furent les cheminots CGT eux-mêmes.
Les militants CGT de la SNCF avaient une bonne raison de lutter contre leur absorption par la sécurité sociale.
Celle-ci reposait essentiellement sur la branche retraites gérée par la CNAV, créée en 1941 par Vichy, dont les paramètres étaient beaucoup moins favorables que ceux de la loi sur les assurances sociales de 1910 puis de 1930.
En 1945, le fameux CNR, réputé social, reprend pourtant le système vichyste intégralement en maintenant l’âge de la retraite à 65 ans.
On ne dira jamais assez que c’était une profonde régression sociale par rapport au système existant avant 1940, qui avait placé l’âge de la retraite à taux plein à 60 ans.
Les adversaires d’une sécurité sociale ouverte à la concurrence omettent toujours de le rappeler.
Mais la sécurité sociale offrait des prestations tellement faibles par rapport à l’existant nationalisé par Vichy que personne ne voulait du régime général.
Bref, depuis 1945, la France a toujours vécu, contrairement à la propagande de la bien-pensance, une résistance quasi-instinctive à la sécurité sociale et à ses ambitions orwelliennes.
On peut d’ailleurs savoir gré aux cheminots CGT d’avoir mené la lutte mieux que beaucoup de libéraux.
Comment le contribuable finance les grévistes de la SNCF
Les cheminots avaient une autre bonne raison de rester hors les murs de la sécurité sociale.
Cette astuce leur a permis, depuis 1945, de faire financer l’essentiel de leur entreprise et de leur protection sociale par le contribuable.
Pendant des décennies, en effet, la SNCF a vécu d’une subvention de compensation de ses déficits par l’État, qui a permis aux personnels de vivre dans une parfaite allégresse.
Sur le fond, il n’était pas anormal que le contribuable apporte sa participation à une entreprise qui décongestionne les routes et permet de se déplacer sans pollution excessive.
Sur la forme, le choix fait au moins jusqu’en 1974 de financer « à guichet ouvert » tous les débordements de la SNCF a largement nourri une culture de la victimisation et du relâchement parmi les cheminots.
On en paie le prix aujourd’hui: plus de soixante-dix ans après la Libération, le gouvernement est parvenu à intégrer les travailleurs indépendants dans la sécurité sociale (ce que ceux-ci avaient refusé en 1946).
Mais il n’est toujours pas venu à bout du régime de la SNCF.
Il faut dire que, pour équilibrer le régime de retraite des cheminots, le contribuable verse chaque année près de 3,5 milliards €, soit 10% du prix des billets de la SNCF.
Un tel magot ne se refuse pas!
Macron propose-t-il une vraie solution?
Pour la SNCF, la situation est évidemment intenable.
À compter du 1er janvier 2019, le transport de voyageurs en ligne grande vitesse sera ouvert à la concurrence.
Les nouveaux entrants ne tarderont pas à contester les largesses dont l’opérateur historique bénéficie de la part du contribuable.
Il devient donc urgent de régler une situation dont seuls les cheminots pensent qu’elle peut durer éternellement.
L’intégration des cheminots de moins de 52 ans dans un régime de retraite unique et universel, telle qu’elle est proposée par le Président, mérite d’être regardée attentivement.
Elle participe de cette volonté de réforme systémique qu’il avait évoquée pendant la campagne électorale.
Si elle va dans le bon sens, elle pose d’ores et déjà deux difficultés que le cas SNCF permettra de vérifier.
Premier point: dans le système Macron, le montant des retraites reste fixé d’avance.
Or, on devra bien un jour admettre qu’on peut difficilement s’engager dans la durée sur ce genre de paramètre.
Cela ne signifie pas, bien entendu, que le montant des pensions doit changer tous les mois.
Mais il est illusoire de croire que l’on peut fixer 30 ans à l’avance les montants qui seront versés indépendamment de la conjoncture économique.
Deuxième point: Macron a prévu que les employeurs garderaient la faculté d’abonder plus fortement s’ils le souhaitent les cotisations de leurs salariés.
Cette disposition, s’agissant de la SNCF, vise évidemment à préserver la possibilité de demander au contribuable de cotiser pour les retraites des cheminots.
Ce point-là, s’il était confirmé, interférerait donc avec la logique universelle initiale.
Tourner la page de 1945
Or, ce qu’il faut aujourd’hui, c’est le courage politique de tourner la page de 1945.
Cette année-là, les cheminots ont réalisé un hold-up sur la Libération en accréditant la thèse qu’ils auraient fourni un effort décisif dans la Résistance, et donc que le pays avait une dette vis-à-vis d’eux.
Le procès de la SNCF sur sa responsabilité dans l’Holocauste a permis de démolir cette thèse, mais l’hégémonie culturelle de la bien-pensance continue à la maintenir vivante malgré tout.
On mesure les bénéfices induits de cette imposture: les chats exclus, les souris ont dansé sur le dos de l’intérêt général.
Maintenant, c’est assez.
Même à la SNCF, il faut appliquer des règles utiles à la collectivité.
eric-verhaeghe
Les adversaires d’une sécurité sociale ouverte à la concurrence omettent toujours de le rappeler.
Mais la sécurité sociale offrait des prestations tellement faibles par rapport à l’existant nationalisé par Vichy que personne ne voulait du régime général.
Bref, depuis 1945, la France a toujours vécu, contrairement à la propagande de la bien-pensance, une résistance quasi-instinctive à la sécurité sociale et à ses ambitions orwelliennes.
On peut d’ailleurs savoir gré aux cheminots CGT d’avoir mené la lutte mieux que beaucoup de libéraux.
Comment le contribuable finance les grévistes de la SNCF
Les cheminots avaient une autre bonne raison de rester hors les murs de la sécurité sociale.
Cette astuce leur a permis, depuis 1945, de faire financer l’essentiel de leur entreprise et de leur protection sociale par le contribuable.
Pendant des décennies, en effet, la SNCF a vécu d’une subvention de compensation de ses déficits par l’État, qui a permis aux personnels de vivre dans une parfaite allégresse.
Sur le fond, il n’était pas anormal que le contribuable apporte sa participation à une entreprise qui décongestionne les routes et permet de se déplacer sans pollution excessive.
Sur la forme, le choix fait au moins jusqu’en 1974 de financer « à guichet ouvert » tous les débordements de la SNCF a largement nourri une culture de la victimisation et du relâchement parmi les cheminots.
On en paie le prix aujourd’hui: plus de soixante-dix ans après la Libération, le gouvernement est parvenu à intégrer les travailleurs indépendants dans la sécurité sociale (ce que ceux-ci avaient refusé en 1946).
Mais il n’est toujours pas venu à bout du régime de la SNCF.
Il faut dire que, pour équilibrer le régime de retraite des cheminots, le contribuable verse chaque année près de 3,5 milliards €, soit 10% du prix des billets de la SNCF.
Un tel magot ne se refuse pas!
Macron propose-t-il une vraie solution?
Pour la SNCF, la situation est évidemment intenable.
À compter du 1er janvier 2019, le transport de voyageurs en ligne grande vitesse sera ouvert à la concurrence.
Les nouveaux entrants ne tarderont pas à contester les largesses dont l’opérateur historique bénéficie de la part du contribuable.
Il devient donc urgent de régler une situation dont seuls les cheminots pensent qu’elle peut durer éternellement.
L’intégration des cheminots de moins de 52 ans dans un régime de retraite unique et universel, telle qu’elle est proposée par le Président, mérite d’être regardée attentivement.
Elle participe de cette volonté de réforme systémique qu’il avait évoquée pendant la campagne électorale.
Si elle va dans le bon sens, elle pose d’ores et déjà deux difficultés que le cas SNCF permettra de vérifier.
Premier point: dans le système Macron, le montant des retraites reste fixé d’avance.
Or, on devra bien un jour admettre qu’on peut difficilement s’engager dans la durée sur ce genre de paramètre.
Cela ne signifie pas, bien entendu, que le montant des pensions doit changer tous les mois.
Mais il est illusoire de croire que l’on peut fixer 30 ans à l’avance les montants qui seront versés indépendamment de la conjoncture économique.
Deuxième point: Macron a prévu que les employeurs garderaient la faculté d’abonder plus fortement s’ils le souhaitent les cotisations de leurs salariés.
Cette disposition, s’agissant de la SNCF, vise évidemment à préserver la possibilité de demander au contribuable de cotiser pour les retraites des cheminots.
Ce point-là, s’il était confirmé, interférerait donc avec la logique universelle initiale.
Tourner la page de 1945
Or, ce qu’il faut aujourd’hui, c’est le courage politique de tourner la page de 1945.
Cette année-là, les cheminots ont réalisé un hold-up sur la Libération en accréditant la thèse qu’ils auraient fourni un effort décisif dans la Résistance, et donc que le pays avait une dette vis-à-vis d’eux.
Le procès de la SNCF sur sa responsabilité dans l’Holocauste a permis de démolir cette thèse, mais l’hégémonie culturelle de la bien-pensance continue à la maintenir vivante malgré tout.
On mesure les bénéfices induits de cette imposture: les chats exclus, les souris ont dansé sur le dos de l’intérêt général.
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eric-verhaeghe
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