Le 19/07/2017
Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
Par Vianney Passot
Publié le 19/07/2017
FIGAROVOX/ENTRETIEN -
Thibault de Montbrial revient sur les violences qui ont émaillé la nuit du 14 juillet, notamment les barricades dressées contre la police dans certains quartiers de Paris. Pour lui, beaucoup « estiment inéluctable que de tels guets-apens aboutissent à la mort de policiers dans les mois qui viennent ».
Thibault de Montbrial est avocat au barreau de Paris, Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure et membre du Conseil Scientifique de l'École de Guerre.
FIGAROVOX.- La nuit du 14 juillet a été, cette année encore, gâchée par des dégradations matérielles et des violences envers les forces de l'ordre dans certains quartiers. Pour la première fois, on a vu des barricades enflammées bloquer certaines rues dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements de Paris. Qu'est-ce que cela vous inspire?
Thibault de MONTBRIAL.- Il s'agit là d'une évolution qui apparaît tout aussi logique qu'implacable.
De tels modes opératoires n'avaient jamais jusque-là été observés dans Paris intra-muros, en dehors de cas ponctuels en marge de manifestations.
Au-delà de la gravité des événements eux-mêmes (des barricades en plein Paris!), il est édifiant de constater leur considérable sous-médiatisation, comme si la presse était partagée entre la volonté d'en minorer l'impact et la signification, et une sorte de fatalisme né de la banalisation puisque de tels faits sont désormais constatés avec régularité dans les banlieues de nombreuses métropoles françaises.
Les policiers racontent aussi que ces délinquants n'hésitent plus à tendre des embuscades à la police pour l'affronter de face, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant. Avec ces barricades et ces affrontements, a-t-on franchi un cap dans la violence envers les forces de l'ordre?
Le cap qui a été franchi, c'est celui du tabou de la violence organisée dans la capitale elle-même, jusqu'ici circonscrit aux dérapages en marge d'événements ponctuels (fête du titre du PSG en mai 2013) ou de manifestations.
Pour ce qui concerne le mode opératoire, leur répétition depuis plusieurs années dans de nombreuses banlieues ne leur confère pas hélas, de signification particulière.
Pour tout vous dire, c'est plutôt à l'occasion de l'affaire de Sevran qu'un cap me paraît avoir été franchi.
Un équipage d'une Compagnie de Sécurisation et d'Intervention (CSI) est tombé dans un véritable guet-apens, organisé de façon assez sophistiquée.
Un des policiers, isolé de ses camarades, a été pris à revers, puis violemment frappé par plusieurs dizaines de personnes qui avaient manifestement l'intention de le lyncher à mort.
Il a dû utiliser à 8 reprises son arme de service pour se dégager.
Sa survie tient du miracle.
Plus globalement, ce que l'on peut retenir de cette séquence du 14 juillet 2017, c'est que la volonté de combattre la police avec une détermination homicide assumée (cocktails Molotov, mortiers à tir tendu, lynchages) est désormais solidement entrée dans les mœurs des bandes ethnico-délinquantes qui s'y livrent régulièrement, tout comme d'ailleurs l'extrême-gauche comme on a pu le voir à plusieurs reprises l'an dernier au cours des manifestations contre la loi travail à Paris, Nantes ou Rennes notamment.
Il est hélas à craindre que le prochain franchissement de cap soit constitué par l'utilisation par ces bandes d'armes à feu autres que des fusils de chasse, c'est-à-dire pistolets ou fusils d'assaut, ce qui n'a pas encore été observé dans de telles circonstances.
Les principaux responsables du maintien de l'ordre en France estiment inéluctable que de tels guets-apens aboutissent à la mort de policiers dans les mois qui viennent.
Il semble que les zones de non-droit soient en train de s'étendre jusqu'à la capitale, pour l'instant seulement dans ses arrondissements les moins centraux. Jusqu'où cela peut-il aller? Comment endiguer un phénomène que l'on observe depuis de nombreuses années?
De semaine en semaine, ces événements se banalisent et se répandent.
Personne ne peut exclure qu'un incident sera prétexte à l'organisation d'une razzia sur un centre-ville. L'un des hauts responsables de la police me rappelait récemment la crainte de voir de petits groupes partis séparément depuis différentes gares de RER, se retrouver en quelques dizaines de minutes au cœur de la capitale.
Ce qui est certain, c'est que la tendance est à la multiplication de ces guets-apens.
Il faut une fois de plus souligner qu'au-delà des forces de l'ordre, les services d'urgences sont également visés, en particulier les pompiers.
Même si les causes sont multiples, il s'agit d'une des conséquences des fractures économiques et ethniques au sein de notre société.
Et la politique du renoncement, qui consiste par exemple à ne pas tenter d'appréhender les auteurs de certaines incivilités telles que les rodéos en deux-roues pour éviter les accidents et donc les émeutes dont il est craint par chacun qu'elles suivraient inéluctablement, n'est pas perçue comme un signal raisonnable mais au contraire comme une preuve de faiblesse des autorités qui encourage encore les débordements.
Quasiment tous les élus locaux ou les responsables des forces de l'ordre que je croise ont intégré la forte probabilité d'une explosion à court ou moyen terme, suite à un nouvel épisode de violence dont les circonstances propres conduiront à un engrenage que personne ne pourra maîtriser.
En toute hypothèse, c'est un secret de polichinelle que les forces de l'ordre traditionnelles (police et gendarmerie) ne pourront, à terme, continuer seules à faire face à une violence dont le rythme et l'intensité sont en constante progression.
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