Gabrielle Cluzel
La presse évoque un « bad buzz », un « dérapage », une « grosse erreur de com’ ».
Le quartier La Chapelle-Pajol ne « craint » pas plus qu’un autre. Dossier classé. Les femmes n’ont qu’à aller se brosser. Et rester cloîtrées.
Marlène Schiappa vient de refaire parler d’elle : dans un tweet – supprimé, mais capturé par les internautes -, elle s’est mise en scène dans le quartier de La Chapelle-Pajol, en train de déambuler résolument, robe et cheveux au vent, avec cette légende : « Les lois de la République protègent les femmes, elles s’appliquent à toute heure et en tout lieu. »
Même pas peur.
Calamity Marlène intime le respect là où les autres – qui sont donc des mythomanes ou des petites natures ? – prétendent ne plus aller.
L’opération n’est pas sans rappeler celle de Clémentine Autain, tout sourire, trinquant dans un bar de Sevran : beaucoup de bruit pour rien, regardez-moi, tout va bien !
Entourée d’une équipe de photographes, c’est sûr, une femme se sent tout de suite moins seule… on se gratte le menton : comment réagiraient les paysans si Jacques Mézard, chaussé de bottes Aigle et manches retroussées, allait se faire photographier, assis sur un tabouret, en train de traire les vaches : c’est pourtant épatant, on admire le paysage, on respire le bon air et on parfait son bronzage, aucune raison de se faire du mouron !
Tout de suite, les envies suicidaires des bouseux se dissiperaient.
Le ministre est passé, en majesté, il n’a rien remarqué, c’est donc que la misère ne doit pas exister. L’« autruchocratie », le village Potemkine érigé en mode de gouvernement – ils n’ont plus de pain, qu’ils mangent de la brioche – ont pourtant déjà été essayés par d’autres avec les résultats mitigés que l’on sait.
L’entourage de Marlène Schiappa parle d’un « bug communicationnel » : « La secrétaire d’État reçoit aujourd’hui deux associations sur ce sujet du harcèlement de rue : Stop harcèlement de rue et Paye ta shnek. Il valait mieux faire les choses dans l’ordre. »
Car ce ne sont pas ces associations-là qui sont à l’origine de la pétition de La Chapelle-Pajol, mais Demain La Chapelle – qui, sur Twitter, interroge Marlène Schiappa : « On aimerait comprendre… quel était le but de votre visite à La Chapelle ? Pourquoi ne pas avoir rencontré les habitant(e)s ? » – et SOS La Chapelle, réunissant des riverains…
Il est vrai qu’écouter ceux qui sont concernés au premier chef, c’est une idée baroque.
Marlène Schiappa a préféré voir Stop harcèlement de rue et Paye ta shnek, deux associations idéologiquement correctes, munies de tous les sacrements de gauche.
Sur les réseaux sociaux, celles-ci ont d’ailleurs obligeamment fait les pompiers, criant à la récupération de la fachosphère, meilleur moyen, bien sûr, de carboniser toute contestation : « Nous voilà face à une nouvelle affaire Cologne bis, Sevran bis, […] un collectif dénonce le harcèlement de rue envers les femmes dans un quartier populaire à forte concentration immigrée, et tout de suite les réseaux sociaux, la presse et les politiques s’emballent. […] Aussitôt la fachosphère s’emballe », écrit, sur Facebook, Anaïs Bourdet, fondatrice de Paye ta shnek, dénonçant la stigmatisation d’« une catégorie précise d’hommes toujours la même : les hommes pauvres, réfugiés, immigrés et/ou issus de l’immigration ».
Selon elle, le travail « fait sur PTS et Stop harcèlement de rue a prouvé et re-prouvé que le harcèlement sexiste s’illustrait partout et de la part de n’importe qui ».
Pourtant, « on continue de ne s’émouvoir que quand on peut désigner un coupable issu d’une prétendue altérité ».
Et Anaïs Bourdet d’enfoncer le clou, avec des majuscules : « Des femmes sont harcelées et se sentent en insécurité PARTOUT. »
Bref, le quartier La Chapelle-Pajol ne « craint » pas plus qu’un autre.
Dossier classé.
Les femmes n’ont qu’à aller se brosser.
Et rester cloîtrées.
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