Le 09/06/2017
7 juin 2017
Jean-Marie Scribot, historien
Très curieux : c’est en lisant The Telegraph, qu’il était possible d’apprendre le décès, le 10 avril dernier, de Jeannette Guyot.
Les médias français ont tous été aux abonnés absents même si, seulement un mois après, ils se sont rattrapés brièvement.
Jeannette Guyot est partie à 97 ans, discrète et finalement comme une citoyenne tranquille parmi les autres alors que ce n’était pas une citoyenne comme les autres mais une grande dame.
Ses 20 ans, elle ne les passe pas en maugréant contre le système mais dans les champs et les bois, à marcher la nuit en silence suivie d’enfants, petits garçons et petites filles, qu’elle délivre de la Terreur et fait passer de l’autre côté de la ligne de démarcation.
Officier de liaison du Colonel Rémy, réseau Confrérie Notre Dame, elle se fait prendre.
Elle est jeune, jolie.
Les grands manteaux de cuir de la SS vont le lui faire payer.
Trois mois après cet avertissement charnel, elle part à Lyon.
Et remet le couvert.
Dewavrin, le relais de De Gaulle en France, la recrute.
L’aile noire de la Gestapo la frôle.
Les Anglais la récupèrent in extrémis, le 13 Mai 1943 : la légère porte du Lysander de la RAF, s’ouvre, l’avion ne s’arrête même pas.
Jeannette court, court, avec dans son dos le sifflement des balles allemandes et comme dans un film d’action, réussit à grimper sauf que là, ce n’était pas un film.
A Londres, elle s’ennuie derrière un bureau. Imaginez-vous, chez les Anglais : une fille qui veut faire la guerre, et une jolie fille française, en plus!
OK, tu vas t’entraîner avec les Américains et les Britanniques, tu veux la guerre, tu la feras à la dure.
On prépare le plan Sussex, en vue du débarquement.
Elle sera parachutée en bord de Loire, côté Vendée.
Elle repère des zones de largage puis part à Paris et monte un réseau clandestin d’opérateurs radios dans un bar-tabac mitoyen d’un bureau de la Gestapo : il faut oser.
Bref, une cinglée, une divine cinglée, un de ces anges aux ailes immaculées qui ont sauvé notre pays, une Jeanne d’Arc moderne à sa façon sans mysticisme de bazar.
Et rien, pas un mot à la radio, à la télé, dans la presse, sur les réseaux, toutes ces choses futiles et inutiles qui imperturbablement guident nos choix et nous dirigent vers la dictature la plus soft, celle du Bien et de la bonne conscience d’avoir toujours raison.
Curieux donc : seuls les Britanniques se sont souvenus.
Bizarre, trop bizarre cette amnésie française alors qu’on ressasse partout « les heures les plus sombres de notre histoire ».
Jeannette Guyot était Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec Palmes, Cross of the American distinguished Service (DSC) et excusez du peu, British George medal, et officier de l’ordre du British Empire (sous le nom de Gauthier).
Mais ne pourrait-elle pas aussi être un modèle héroïque à la Marc Rousset de la résistance , de la vraie dissidence à la dictature
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