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jeudi 3 novembre 2016

Juppé ? Ça la fiche mal !

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Le 03/11/2016


On n’apprend pas tout dans les grandes écoles.

Anticiper l’avenir est, certes, un exercice plus ardu que celui consistant à prédire le passé. Nonobstant, les amateurs d’oracles pourraient bien voir un signe du destin dans la récente affiche d’Alain Juppé, laquelle arbore le slogan qui suit : « Un mandat pour agir. »

Déjà, quand on a un passé judiciaire, il y a des mots qu’il faut éviter, tel celui de « mandat », qui peut être « de dépôt » ou de « perquisition ».
 Puis, le vocable d’« agir », comme si un Président était « mandaté » pour peigner la girafe ou chasser les Pokémon GO…
Ça, c’est pour le fond.
Car point de vue présentation, il y aurait également à redire : quel maquettiste dément a-t-il pu pondre pareille aberration graphique ?
 Un sarkozyste infiltré ?
 Une taupe lepéniste ?
 L’aspect faire-part de décès de la chose en question a déjà évidemment fait le tour des réseaux sociaux, surtout lorsque sortie le jour de la Toussaint : on ne saurait être plus exquis.
Interrogé par Le Journal du dimanche, la sémiologue Elodie Mielczarek remarque : « Elle ressemble à une affiche des années 1980 […] Elle est maintenant la plus vieillotte de toutes. »
 Madame est trop bonne : pour retrouver pareille bouse, au moins faut-il remonter à celle de Jean Lecanuet, à l’élection présidentielle de 1965, dont l’accroche affirmait alors qu’il fallait « un homme neuf, une France en marche », ce qui vaut toujours mieux qu’un vieil homme pour une France qui recule, on imagine.
D’ailleurs, le look des années 1980 était autrement plus croquignolet.
Rappelez-vous la fameuse affiche du RPR, « Vivement demain ! », où la fine fleur du chiraquisme, manches de chemises retroussées et cravates au vent, gambadait dans un pré, façon boy’s band.
 Vu le nombre de futurs taulards et mis en examen figurant sur ce touchant portrait de famille, certains y avaient peut-être déjà vu un signe…
Retour en 1995, avec la campagne présidentielle d’Édouard Balladur et sa punchline demeurée fameuse, « Croire en la France » – le contraire eût été embarrassant –, début de sa dégoulinante sondagière et de son échec final.
Alain Juppé, c’est un peu le nouvel Édouard Balladur.
Soit l’homme qui voudrait arriver directement à la case élyséenne sans passer par celles de campagnes et d’élections harassantes et, finalement, d’un vulgaire achevé.
 Bref, c’est la droite de droit divin.
À ce titre, on notera que si Alain Juppé s’est fait élire et réélire, comme dans un fauteuil, à celui de maire de Bordeaux, jamais il n’a été capable d’en faire de même de celui de député.
Toujours pareil…
Ces fichues campagnes électorales, à l’occasion desquelles il faut serrer des mains sales et toucher le cœur du peuple.
Pas évident pour « le meilleur d’entre nous », Chirac dixit, celui que ses petits camarades surnommaient alors « Amstrad », du nom d’une marque d’ordinateurs du siècle dernier.
Dans un registre tout aussi calamiteux, comment ne pas évoquer cette affiche de Valéry Giscard d’Estaing, lors de sa tentative de réélection, en 1981 ?
 Là encore, certains virent un mauvais présage dans le choix hasardeux du slogan retenu : « Il faut un Président à la France. »
 Une telle bourde sémantique et politique mériterait d’être à jamais enseignée à Sciences Po et dans toute école de communication digne de ce nom.
En effet, cela présuppose que, de 1974 à 1981, il n’y avait pas de Président à l’Élysée.
Pis encore : un tel slogan était aisément détournable et le fut, de fait, illico.

 « Il faut un Président à la France » ? « Alors, casse-toi ! », put-on lire à l’époque sur des autocollants apposés à l’arrache sur les affiches incriminées par des militants chiraquiens et mitterrandiens, unis en la circonstance.

Tout cela, Alain Juppé devrait le savoir plus qu’un autre.

 Mais on n’apprend pas tout dans les grandes écoles.

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