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jeudi 29 septembre 2016

Un sans-abri sur dix est diplômé de l’enseignement supérieur

  Le 29/09/2016 


Une maraude du 115, en 2014, à Lille.

Une maraude du 115, en 2014, à Lille. PHILIPPE HUGUEN / AFP

LE MONDE | •     | Par

Pas moins de 14 % de sans-abri ont suivi des études supérieures et 10 % sont diplômés, selon une étude de l’Insee et de l’Institut national d’études démographiques (INED) publiée mercredi 28 septembre. Leurs travaux se fondent sur un recensement mené en janvier et février 2012 dans les centres d’hébergement, les hôtels, les centres maternels, les lieux de distribution de repas ou encore les banques alimentaires.
 
Le nombre de personnes privées d’un domicile personnel était, à l’époque, estimé à 143 000, dont 30 100 enfants.
Il avait déjà bondi de 50 % par rapport à la précédente enquête, datant de 2001, avec une poussée très forte des familles, notamment étrangères.
Ces données n’ont fait qu’empirer depuis.
Cette année, pour la seule région Ile-de-France, la préfecture déclare mettre à l’abri 80 000 personnes chaque soir.
Les chiffres globaux sont déjà connus.
Mais ce que pointent les deux auteurs de l’étude, le démographe Philippe Cordazzo et le sociologue Nicolas Sembel, l’est beaucoup moins. Pour eux, « le phénomène de déclassement s’étend et le diplôme ne protège plus de la précarité ».

« Maladies psychiatriques ou addictions »

Ce diagnostic recoupe les observations du SAMU social de Paris qui, dans une enquête de 2011, avait dénombré 12 % de sans-abri ayant suivi des études supérieures et même 24 % de ceux hébergés dans des structures d’accueil.
« Faire des études, être diplômé n’empêche évidemment pas les maladies psychiatriques ou des addictions qui peuvent conduire à perdre son logement », remarque Françoise Riou, qui dirige l’Observatoire du SAMU social de Paris.
Philippe Cordazzo et Nicolas Sembel dressent le profil de populations différentes, aux parcours et trajectoires spécifiques.
Les sans-abri qui ont fait leurs études à l’étranger (5 %) sont plus fréquemment en couple ou en famille – on compte 47 % de femmes – et donc logés à l’hôtel.
Ils sont généralement issus des classes moyennes mais ne bénéficient pas de réseau de proximité. Leur déclassement résulte de leur départ de leur pays.
Leur arrivée en France, avec la difficulté de faire valoir leur diplôme, les pousse vers la pauvreté.
Quant aux personnes françaises ou francophones nées à l’étranger qui ont fait leurs études en France, ce sont plutôt des hommes, entre 30 et 49 ans, Parisiens et issus de milieux défavorisés.
Dans plus d’un cas sur deux, ils obtiennent l’aide de proches, parents, amis, voisins, même si 25 % d’entre eux déclarent ne pas en avoir besoin.
« Il faudrait questionner sur cette absence déclarée de besoin d’aide : est-ce une solitude assumée ou honteuse ? », s’interrogent les auteurs.

Un quart des SDF ont un emploi

Diplômés ou non, qu’ils aient ou non suivi des études, un quart des SDF ont, au moment de l’enquête, un emploi.
 « Ce n’est pas négligeable et cela corrige sensiblement la figure classique du SDF très éloigné de l’employabilité », commentent les deux chercheurs.
Et parmi les diplômés, 41 % ont régulièrement travaillé.
Pour les diplômés en France, l’absence de logement est, dans 20 % des cas, motivée par une séparation d’avec leur conjoint, dans 10 %, par la perte de leur emploi et, dans 9 %, par l’incapacité de payer leur loyer.

Au moment de l’enquête, 9 % des SDF dormaient dans la rue ou un abri de fortune, mais 61 % d’entre eux avaient connu la rue au cours des douze derniers mois.
 C’est donc une expérience très répandue.
Y compris chez les diplômés, mais de manière moins forte : seuls 49 % d’entre eux ont connu un épisode de grande précarité et vécu cette épreuve.

Enfin, la précarité étudiante est considérée comme « un phénomène mal connu dont il est difficile de mesurer l’ampleur, probablement sous-estimée ».

 Ainsi, 6 % des SDF diplômés auraient été à la rue au cours de leurs études et même 31 % pour ceux qui ont échoué à obtenir leur diplôme.

« Leur sans-domiciliation joue un rôle prépondérant dans la non-obtention de leur diplôme », analysent les auteurs.

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