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mardi 17 mai 2016

Verdun, BlackM : la nuit de l'inculture


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Par Vincent Tremolet de Villers
Mis à jour le 17/05/2016 à 17:57
Publié le 16/05/2016 à 15:46   

     
Verdun. Crédits photo: Service Historique de la Défense

Verdun. Crédits photo: Service Historique de la Défense

FIGAROVOX/ANALYSE -
 
Pour Vincent Trémolet de Villers, l'affaire BlackM est révélatrice d'une époque de «profanation intégrale» où il n'y a plus ni silence ni recueillement.


Vincent Trémolet de Villers est rédacteur en chef des pages Débats/Opinions du Figaro et de Figarovox.

Il faut n'avoir jamais arpenté le paysage lunaire où reposent les villages martyrs: Beaumont, Fleury, Cumières… pour envisager de commémorer la bataille de Verdun par un concert de rap.
 Il faut n'avoir jamais lu une page de Barbusse - «chacun sait qu'il va apporter sa tête, sa poitrine, son ventre, son corps entier, tout nu, aux fusils braqués d'avance» - pour dire comme Black M, le chanteur invité, «on va s'amuser».
Il faut ne rien connaître des paroles de poilus - «c'est vraiment une vision de mort, de destruction acharnée, ce ravin. Des morts partout, dans toutes les positions».  - pour affirmer comme notre secrétaire d'État aux Anciens Combattants que la vague d'indignation qu'a provoquée l'organisation de ce concert est «un premier pas vers le fascisme».
C'est avoir oublié, enfin, que Verdun, c'est 300.000 morts français et allemands dont 100.000 sans sépulture et que seul «le silence des consécrateurs convenait au repos des hommes qui avaient accepté en silence, qui avaient souffert en silence, qui étaient morts en silence» (Montherlant).
 Plongés dans la nuit de l'inculture, nous devons donc supporter les provocations, les approximations, les manipulations du gouvernement (contre lequel sur ces sujets l'opposition se montre bien timide et laisse le champ libre au Front national).
 Comme si le souvenir des soldats morts au combat était un moyen de «faire plaisir aux jeunes» et l'Histoire, un outil sondagier circonstanciel.
La France a ainsi voté une résolution de l'Unesco déniant tout lien historique entre les juifs et le mur occidental (le mur des Lamentations), voire le temple de Jérusalem!

Nous avons entendu un ancien ministre de l'Économie devenu commissaire européen affirmer qu'il ne croyait pas «aux racines chrétiennes de l'Europe» transformant ainsi une réalité indiscutable en acte de foi.
Nous avons supporté les mots sidérants d'un secrétaire d'État chargé de la mémoire de nos soldats traitant de «fascistes» ceux qui par les maigres moyens des réseaux sociaux ont voulu empêcher de voir transformer l'ossuaire de Douaumont en arrière-plan d'un divertissement de masse.
Tout cela n'empêche pas l'inculture de se montrer arrogante.
Nous recueillons les fruits d'un enseignement moral sans fondement, sans hiérarchie, sans profondeur, où le seul impératif est de traquer le «fascisme» renaissant et le retour d'un «ordre moral nauséabond».
Un antiracisme hors-sol qui surveille, punit et ne comprend plus rien.

Selon cette grille, la civilisation était du côté de Black M et la barbarie du côté des lecteurs de Ceux de 14.
C'était un Noir contre les Blancs, un jeune contre des vieux, la modernité contre les réacs.
Que le chanteur s'en soit pris autrefois aux «youpins», aux «pédés», aux «kouffars» (les mécréants dans la terminologie de Daech) ne comptait pas.
Les mêmes qui traquent «les dérapages» et curent comme un coquillage l'esprit d'Éric Zemmour pour y trouver une pensée criminelle ont pris la défense du rappeur, victime selon eux «du politiquement correct» .
Il fallait vraiment être un pinailleur pour ne pas accepter l'évidence: Black M à Verdun, c'est bien, puisque Robert Ménard et Marion Maréchal-Le Pen sont contre!
 
«Tout est culture», proclamait Jack Lang il y a vingt-cinq ans, le tag comme une fresque de Piero della Francesca.
«Tout est histoire», proclamons-nous aujourd'hui, et rien ne distingue la «plainte d'un blessé dans la nuit glaciale et pluvieuse» (Genevoix) et les rythmes d'un morceau de rap.
Les faits, les hommes, les lieux, les dates sont des outils jetables pour politiciens et communicants.
 
Dans nos temps de «profanation intégrale» (Alain Finkielkraut), il n'y a plus ni silence ni recueillement.
 
Ni dignité, même.
 
Tout se vaut et tout se vautre dans la médiocrité.
 
«On oubliera, écrit Roland Dorgelès dans Les Croix de bois. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qui l'aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois…»

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