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mercredi 4 mai 2016

Comment Nantes révoltée donne le ton des manifs

 
 

 ouest-france.fr
   
Un nouveau rassemblement a lieu ce mardi, relayé par Nantes Révoltée. Cette page Facebook, très suivie, pilote certaines manifs non syndicales qui dégénèrent en violences.
 

Enquête: Ils sont une dizaine à tirer les ficelles de la page Facebook « Nantes Révoltée », à écrire et modérer.
Ils sont déjà plus de 20 000 devant leur écran, à lire et à commenter tous les messages.
« C’est plus que Karine Daniel lors de son élection comme député de Loire-Atlantique », s’amuse Mathieu (1).

Partisan de l’anonymat, le groupe a été difficile à joindre : il ne répond que virtuellement, met du temps à prendre une décision collective et fait preuve de paranoïa quand il s’exprime.
Nantes Révoltée se méfie des médias.
 Officiellement, pas de porte-parole.
Dans la réalité, Mathieu veut diriger la conversation, pèse chaque mot et semble habitué à mener des réunions militantes.
Les membres du groupe, interrogés par la rédaction, se définissent comme Nantais, étudiants et jeunes actifs, âgés d’une vingtaine d’années.
Comme leurs lecteurs.
« Clairement, la jeunesse nantaise nous lit : ils ont presque tous entre 15 et 25 ans. C’est toute une jeunesse qui veut se révolter et qui a besoin de lire quelque chose en dehors d’un discours formaté. »
 Car pour eux, « Nantes Révoltée », c’est « un média qui doit être la contre-information et relayer les luttes locales. »

« C’est toute une plaque de résistance »

 
Créé à l’occasion de la présidentielle 2012, ce « média » n’est clairement pas objectif : « On relate des choses avec notre regard de personnes impliquées. »
 Le groupe, virtuel, poste des comptes-rendus, relaie des appels à manifester et refuse d’être identifié à un parti ou un syndicat.
Les individus qui le composent admettent pourtant s’engager dans des luttes portées par l’extrême-gauche.
Actuellement, ils se positionnent contre la loi Travail, la « répression policière », le racisme, et soutiennent les mineurs isolés.
« C’est toute une plaque de résistance. On est un média organique, on est dans la Zad et dans les manifestations », raconte Julien (1).

« L’étincelle qui embrasera la plaine »
 
« Nous, on relate ce qu’il se passe, c’est tout », se défend Audrey (1) quand la question est évoquée.
 Pourtant, certains messages en ligne sont des appels à l’action : « Au mois de mai, nous serons l’étincelle qui embrasera la plaine » ou encore « La casse a bien un sens politique ».
 « Il y a une reconfiguration politique profonde qui s’organise, on essaye d’en faire partie », répond Mathieu.
Il s’énerve contre le terme « casseur », qu’il associe au langage policier.
Le collectif Defend Naoned ?
 « Ils ne savent plus quoi faire pour exister », se marre-t-il, tout en les accusant d’être à l’origine de virées punitives contre le mouvement Nuit Debout.

Au cours de l’entretien, ils le répéteront plusieurs fois : ils sont dans le cortège mais prétendent ne pas participer aux violences.
 Sauf que leurs comptes-rendus sur Facebook, attendus avec impatience par une communauté grandissante, attisent les tensions et l’envie de casse de certains.
 Et quand ils relaient un rassemblement, cela le rend légitime aux yeux des internautes.
Certains « contributeurs avisés », en lien avec des groupes anarchistes, appartiennent eux à un cercle restreint qui agit.
Ou plutôt organise.

Organisés sur le terrain
 
Lors de la manifestation du 28 avril, on a observé le schéma mis en place : ces « chefs », motivés par ce qu’ils considèrent comme de la « répression policière », ne sont pas en première ligne, mais trois rangs derrière et contrôlent l’ensemble.
 Ces membres cadrent l’avancée du groupe, surveillent la présence des forces de l’ordre, crient « Photo ! » quand ils sentent que des policiers en civil sont proches, font attention aux caméras de sécurité…
 Eux sont préparés, en noir de la tête aux pieds, cagoulés et gantés, et n’interviennent pas, sauf si le groupe entier est pris à partie.

Pendant les récentes manifestations, ceux « qui veulent de l’action » savent où les trouver. 
Ils laissent les plus jeunes s’énerver devant : « Laisse-les, ils ont besoin de se défouler », soufflait jeudi dernier l’un de ces « chefs » à un autre, alors qu’un groupe de lycéens, à visage découvert, frappait un caisson de chantier à coups de masse.
 
« Nantes Révoltée lance une action sur Facebook, qui fait caisse de résonance. Les lieutenants recrutent dans les lycées des jeunes influençables, les forment, et les envoient en première ligne face aux forces de l’ordre. Ils manquent d’expérience, ne connaissent pas les méthodes policières et, eux, se font pincer », analyse un policier.

Laura Jarry.

(1) Les prénoms ont été modifiés.

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