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lundi 24 août 2015

Thalys : la bataille des héros

observatoire du 23/08/2015 par Sébastien Rochat

 
Variations du récit sur la neutralisation du tireur

Heureusement que les Américains étaient là !
 Dans les heures qui ont suivi la fusillade du Thalys reliant Amsterdam à Paris vendredi 21 août, le courage de deux Américains ayant permis de neutraliser le tireur a été salué par la presse, les réseaux sociaux et la classe politique.
 Deux Américains ?
Le lendemain matin, les héros passent à quatre : trois Américains et un Britannique.
Jusqu'à ce que le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve révèle l'existence d'un héros français. Retour sur la chronologie du récit.

Entre hommages et sarcasmes.
La neutralisation dans le Thalys d'un tireur lourdement armé, Ayoub El Khazzani, un Marocain de 25 ans, par deux militaires américains a donné lieu à une "vague américanophile", pour reprendre l'expression de Rue89, sur les réseaux sociaux.

Quelques heures à peine après l'attaque du Thalys, survenue vendredi 21 août, la DRH du réseau SNCF, Bénédicte Tilloy, a remercié ces Américains sur Twitter :

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Des remerciements qui se sont multipliés par la suite (jusqu'à Barack Obama), avec la petite dose de sarcasmes à l'égard des Français qui n'auraient pas bougé et des autorités qui, pour renforcer la sécurité sur le réseau SNCF, ont décidé de mettre en place... un numéro vert.

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Cazeneuve, scénariste en chef

C'est le premier récit de l'arrestation du tireur qui est à l'origine de toutes ces réactions.
Un premier récit livré par le ministère de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dès vendredi soir.
Face aux caméras, le ministre, qui s'est rendu à la gare d'Arras où le train a été immobilisé, a remercié deux passagers américains pour leur intervention.
Avec des termes bien choisis pour des héros : "extrêmemement courageux", "grande bravoure", "gratitude", "reconnaissance", "admiration".

 

 
Une info aussitôt reprise un peu partout, notamment par l'AFP :
 
Militaires

Mais le lendemain matin, les héros du Thalys passent à quatre.
 Comment le sait-on ?
 La presse a pu interroger les passagers, regroupés dans un gymnase près de la gare d'Arras.
Et l'on découvre que le tireur n'a pas été neutralisé par deux Américains, mais par trois Américains et un Britannique, lesquels ont livré leur récit lors d'une mini-conférence de presse improvisée.
Des images qui vont tourner en boucle sur les chaînes d'info continu dans la matinée du samedi 22 août :

 


Et à la mi-journée, changement de scénario.
Lors d'une nouvelle conférence de presse, Bernard Cazeneuve, scénariste en chef, révèle que le premier passager à avoir tenté de stopper le tireur est un... Français. Cocorico !

 "Un voyageur français voulant accéder aux toilettes s'est trouvé en face d'un voyageur qui portait une kalachnikov en bandoulière, a déclaré le ministre. Il a essayé de le maîtriser, avant que deux Américains ne viennent l'aider. Je veux rendre hommage au passager français qui est intervenu en premier. Comme les deux Américains, il a fait preuve d'un grand courage".

Un nouveau scénario livré juste à temps pour les 13 heures, qui incluent la présence du premier français dans le récit :

 

 
Le Français supplante alors, pendant quelques heures, les Américains dans la presse :
 
Héros français
 
Mais ce scénario est moins fort que la médiatisation des héros américains puisque selon Le HuffingtonPost, ce passager français de 28 ans a demandé aux enquêteurs de garder l'anonymat.
Sur Twitter, le constat est là :
 
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Héroisme des Américains vs lâcheté des Français ?
Le courage de ce passager aurait pu mettre un terme au procès en lâcheté contre les Français.
 Sauf qu'au même moment où Cazeneuve révèle son existence, ce samedi 22 août, l'acteur Jean-Hugues Anglade, qui se trouvait dans le Thalys et s'est blessé en voulant briser la glace du système d'alarme du train, a dénoncé, dans une interview à Paris Match, l'attitude de certains membres du personnel de la SNCF.

"Nous avons entendu des passagers hurler en anglais "Il tire ! Il tire ! Il a une kalachnikov ! " (...) Tout à coup, des membres du personnel navigant ont couru dans le couloir, le dos courbé. Leurs visages étaient blêmes. Ils se dirigeaient vers la motrice, leur wagon de travail. Ils l'ont ouvert avec une clef spéciale, puis se sont enfermés à l'intérieur", a raconté l'acteur à Paris Match. Et qu'a fait le personnel du Thalys ? Rien : "Nous criions pour que le personnel nous laisse entrer, nous hurlions "Ouvrez !" On voulait qu'ils réagissent ! En vain... Personne nous a répondu. Silence radio. Cet abandon, cette détresse, cette solitude, c'était terrible et insupportable !" Et Anglade de conclure : "Nous avons eu une chance incroyable d'avoir ces soldats américains. Je veux rendre hommage à leur courage héroïque, et les remercier, sans eux, nous serions tous morts." Un récit made in USA, où le premier héros français de Cazeneuve est absent.

Pour couper court au début de polémique, la directrice générale de Thalys, Agnès Ogier, a tenu à défendre le personnel naviguant en livrant un nouveau récit : "On avait deux contrôleurs dans la rame de queue, et deux contrôleurs dans la rame de tête. Un des deux contrôleurs de la rame de queue s’est retrouvé juste sous les balles. Il les a senti le frôler. Il a pris avec lui cinq ou six passagers. Il les a emmenés dans le fourgon, un local à bagages. Et là, il a tiré la sonnette d'alarme".

 Et le personnel qui s'est caché ?
Ogier n'est pas au courant.

De quoi alimenter à nouveau le débat sur la notion de courage.
 Sur un blog de Rue89, un enseignant s'interroge : "Nos vies sont-elles devenues, en quelques décennies seulement, si irréductiblement précieuses, si parfaitement indispensables, que cela justifierait qu’avant toute autre chose nous devrions d’abord penser à les mettre à l’abri ? Serions-nous, nous Français d’aujourd’hui, les premières générations de notre histoire à considérer l’idée de sacrifice de soi comme absurde ?"

Un débat lancé un peu trop tôt ?
 Trois jours après l'attaque, le récit continue à se compléter.
Outre le premier passager français ayant tenté de stopper le tireur, Le JDD nous apprend qu'un "conducteur de Thalys, qui voyage à titre privé dans le train, a aidé [l'un des Américains] à maintenir le bras du terroriste pendant qu'il le saucissonne".
Une version aussitôt relayée sur Twitter.

La bataille des héros continue.
 
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