Hiroshima : les Américains seraient-ils des « fils de putes » ?

                                                    

Le 07/08/2015

Jean-Michel Leost

Le 16 juillet 1945, à l’issue du premier tir nucléaire au Nouveau-Mexique, le physicien américain Kenneth Bainbridge aurait déclaré à Robert Oppenheimer : “Now we are all sons of bitches”.

  Le 16 juillet 1945, à l’issue du premier tir nucléaire au Nouveau-Mexique, le physicien américain Kenneth Bainbridge aurait déclaré à Robert Oppenheimer : “Now we are all sons of bitches” [« Maintenant, nous sommes tous des fils de pute », NDLR].
Se doutait-il à ce moment que, le 6 août 1945, un B-29 larguerait la bombe appelée Little Boy sur Hiroshima ?
Bilan 140.000 morts : 70.000 personnes tuées, plusieurs dizaines de milliers grièvement brûlées, beaucoup d’autres meurent plus tard des suites des radiations.
 Trois jours après, c’est le tour de Nagasaki : cette fois, la bombe porte Fat Man pour nom de code. Petit garçon, Homme obèse : rien que le choix de ces appellations a quelque chose d’indécent.


Les historiens s’interrogent encore sur la décision américaine.
S’agissait-il de hâter la fin de la guerre ?
 Ou d’intimider Staline en étalant la puissance américaine, alors que s’annonçait la guerre froide ?
Ou encore d’expérimenter, dans des conditions réelles, les effets de la bombe au plutonium ?

 Toutes ces raisons à la fois, peut-être.
Selon un sondage effectué en février, 56 % des Américains estimeraient que l’utilisation de la bombe était justifiée, qu’elle a permis d’éviter des centaines de milliers de morts américains.
Sans doute ne connaîtra-t-on jamais la vérité, mais on peut se demander si toutes ces intentions, même les meilleures, peuvent légitimer une telle horreur.
Ce doit être le privilège des vainqueurs d’imposer leur version de l’Histoire, scrupules et cas de conscience étant soigneusement mis de côté.
Que n’eût-on dit si le Troisième Reich, dans sa course aux armes sophistiquées, avait devancé les États-Unis et envoyé une bombe atomique sur une ville anglaise ?
On aurait à juste titre parlé de crime de guerre, voire de crime contre l’humanité.
Le tribunal de Nuremberg aurait probablement condamné à mort et fait exécuter les responsables d’un tel massacre.


 Les États-Unis sont-ils dégagés de toute responsabilité parce qu’ils se trouvaient dans le bon camp ?


Le plus révoltant dans l’attitude de ses dirigeants, c’est leur façon de prêcher la morale à tous les pays.
 Pour donner des leçons, encore faut-il être soi-même irréprochable ou avoir au moins reconnu et regretté ses fautes.
Malheureusement, l’Histoire montre que, si l’arme atomique n’a pas été de nouveau employée, les actes contraires à toute morale n’ont guère cessé.


Lors de la bataille de Điện Biên Phủ, selon certaines sources, les Américains auraient même suggéré à Georges Bidault, ministre des Affaires étrangères, d’utiliser la bombe atomique ; ce qu’il refusa.

On ne saura sans doute jamais avec certitude si cette proposition est authentique.
 Ce qui est certain, c’est que les États-Unis ne prêtèrent pas main-forte à la France en cette circonstance : se croyant investis d’une mission de lutte contre le communisme dans cette région, ils souhaitaient avant tout le départ des Français.


 On sait ce qu’il en advint : bombardements massifs, utilisation du napalm… pour finir par le retrait des forces américaines.


Que dire, encore, des conditions dans lesquelles les États-Unis déclarèrent la guerre à l’Irak, du mensonge de Colin Powell agitant une fiole supposée contenir de l’anthrax pour tenter de convaincre le Conseil de sécurité des Nations unies de la légitimité d’une intervention militaire d’envergure ?


Les Américains ne sont pas tous des « fils de pute », comme le disait l’un d’entre eux en 1945, mais leurs dirigeants ont trop souvent revêtu le costume cynique de Tartuffe, prétendant défendre le bien alors qu’ils ne défendaient que leurs seuls intérêts.