La photo d’une jeune Française partie en Syrie il y a plusieurs mois. Photo Reuters
Carole André-Dessornes, consultante en géopolitique et docteur en sociologie associée au Cadis, le centre de recherche en études sociologiques rattaché à l'Ehess (École des hautes études en sciences sociales), répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».
Ghalia Kadiri | OLJ
01/08/2015
Lors de l'attentat de Suruç, le 20 juillet dernier en Turquie, attribué à l'organisation État islamique (EI) par les autorités turques, la piste d'une femme kamikaze avait été évoquée par deux députés du parti prokurde HDP.
L'information a également été rapportée par plusieurs médias turcs dont le site Hurriyet Daily News.
Si l'hypothèse d'une femme responsable de cette opération-suicide, qui a fait plus de trente morts, n'a toujours pas été confirmée, certains experts craignent que le groupe jihadiste n'ait décidé d'impliquer plus directement les femmes dans ses opérations terroristes.
Jusqu'à présent, les femmes de l'EI ont été cantonnées à un rôle d'« épouse modèle », défini dans le Guide de la bonne épouse du jihad.
Sommées de satisfaire les désirs sexuels de leur mari, de procréer pour que grossissent les rangs des jihadistes et d'assurer les tâches ménagères, les femmes au foyer peuvent aussi prendre les armes pour assurer la sécurité au sein du califat.
Dans certains bastions de l'EI, les membres de la brigade féminine al-Khansaa, sorte de police religieuse, patrouillent munies d'AK-47.
Certaines femmes de l'EI peuvent également devenir espionnes pour le compte de leur époux jihadiste, participer aux opérations de propagande ou encore recruter de nouveaux membres.
Mais vont-elles être bientôt autorisées à mener des attentats-suicide ?
Il y a quelques jours, le Daily Mail rapportait que le groupe jihadiste prévoit d'envoyer des combattantes féminines perpétrer des attentats en Europe.
D'après Fahad al-Masri, président du Centre for Strategy, Military and Security Studies, interrogé par le quotidien anglais, l'EI projette d'attaquer des sites religieux en Europe, particulièrement des « symboles chrétiens » comme le Vatican.
Pour la première fois, l'organisation terroriste aurait l'intention d'utiliser des femmes de la brigade al-Khansaa pour jouer les martyrs.
(Pour mémoire : L'EI "fantasme plus sur la kalach que sur le Coran" : le témoignage d'une Française de retour de Raqqa)
Les femmes kamikazes plus efficaces
Pour Carole André-Dessornes, si la menace d'un attentat perpétré par une femme existe réellement, « il n'est pas garanti que l'EI envoie les femmes d'al-Khansaa ».
« Si l'État islamique doit perpétrer un attentat en Europe, il est plus logique qu'ils aient recours à de jeunes femmes nées et radicalisées sur le Vieux Continent », indique Mme André-Dessornes à L'Orient-Le Jour.
Alors que, face à la menace jihadiste, les contrôles ont été renforcés en Occident, l'EI peut être tenté d'avoir recours aux femmes, une ressource dont ils disposent désormais massivement.
« Les femmes représentent aujourd'hui une sorte de force paramilitaire, qui ne nécessite pas forcément un entraînement, mais répond présent à des besoins stratégiques de l'EI, comme cela avait été le cas pour el-Qaëda en Irak », explique la chercheuse, auteure de Les femmes martyres dans le monde arabe : Liban, Palestine, Irak (éditions L'Harmattan).
Le recours à des femmes devrait rendre plus difficile encore la surveillance antiterroriste en Europe. Les femmes sont effectivement plus difficiles à surveiller, note Mme André-Dessornes, « elles se radicalisent seules, notamment sur Internet. C'est plus compliqué pour la police de les détecter ».
Si une femme est l'auteure d'une attaque, l'événement peut en outre avoir un impact fort, ajoute la chercheuse : « Le recours à une femme kamikaze pourrait faire l'effet d'une bombe qui marquerait les esprits, répondant ainsi à l'objectif de l'EI de créer un climat de terreur permanent. »
(Pour mémoire : Les recrues européennes de l'EI : « De plus en plus jeunes et beaucoup plus de femmes »)
Désir de prendre les armes
Les combattants du groupe terroriste interdisent théoriquement les champs de bataille aux femmes.
Mais certaines d'entre elles ont manifesté leur désir de prendre les armes, notamment à travers les réseaux sociaux.
À chaque nouvelle vidéo de l'EI montrant une décapitation, de nombreux tweets témoignent d'un désir de violence de plus en plus ancré dans l'esprit des femmes jihadistes.
« J'ai donc regardé la dernière vidéo de l'EI. Oh mon Dieu! Je les aime ! Charia = Justice ! Dieu merci », tweetait à titre d'exemple une jeune femme, le 16 novembre 2014, après la décapitation de Peter Kassig, un ancien soldat américain exécuté avec huit otages syriens.
Si un recours à des femmes kamikazes n'est pas exclu, Carole André-Dessornes estime néanmoins que d'éventuelles opérations féminines « resteront des cas isolés ».
Car le califat respecte malgré tout une stricte séparation des rôles entre l'homme et la femme, qui correspond à une idéologie bien marquée.
Jusqu'à présent, aucune femme de l'EI n'a pu porter des explosifs.
D'autres groupes radicaux ont toutefois déjà eu recours à des femmes kamikazes.
Au Nigeria, l'organisation terroriste Boko Haram, qui a prêté allégeance à l'EI, utilise cette technique depuis plus d'un an.
Et au Cameroun, le 25 juillet, 20 personnes ont été tuées dans un attentat-suicide revendiqué par Boko Haram et perpétré par une jeune fille de 12 ans.
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Lors de l'attentat de Suruç, le 20 juillet dernier en Turquie, attribué à l'organisation État islamique (EI) par les autorités turques, la piste d'une femme kamikaze avait été évoquée par deux députés du parti prokurde HDP.
L'information a également été rapportée par plusieurs médias turcs dont le site Hurriyet Daily News.
Si l'hypothèse d'une femme responsable de cette opération-suicide, qui a fait plus de trente morts, n'a toujours pas été confirmée, certains experts craignent que le groupe jihadiste n'ait décidé d'impliquer plus directement les femmes dans ses opérations terroristes.
Jusqu'à présent, les femmes de l'EI ont été cantonnées à un rôle d'« épouse modèle », défini dans le Guide de la bonne épouse du jihad.
Sommées de satisfaire les désirs sexuels de leur mari, de procréer pour que grossissent les rangs des jihadistes et d'assurer les tâches ménagères, les femmes au foyer peuvent aussi prendre les armes pour assurer la sécurité au sein du califat.
Dans certains bastions de l'EI, les membres de la brigade féminine al-Khansaa, sorte de police religieuse, patrouillent munies d'AK-47.
Certaines femmes de l'EI peuvent également devenir espionnes pour le compte de leur époux jihadiste, participer aux opérations de propagande ou encore recruter de nouveaux membres.
Mais vont-elles être bientôt autorisées à mener des attentats-suicide ?
Il y a quelques jours, le Daily Mail rapportait que le groupe jihadiste prévoit d'envoyer des combattantes féminines perpétrer des attentats en Europe.
D'après Fahad al-Masri, président du Centre for Strategy, Military and Security Studies, interrogé par le quotidien anglais, l'EI projette d'attaquer des sites religieux en Europe, particulièrement des « symboles chrétiens » comme le Vatican.
Pour la première fois, l'organisation terroriste aurait l'intention d'utiliser des femmes de la brigade al-Khansaa pour jouer les martyrs.
Les femmes kamikazes plus efficaces
Pour Carole André-Dessornes, si la menace d'un attentat perpétré par une femme existe réellement, « il n'est pas garanti que l'EI envoie les femmes d'al-Khansaa ».
« Si l'État islamique doit perpétrer un attentat en Europe, il est plus logique qu'ils aient recours à de jeunes femmes nées et radicalisées sur le Vieux Continent », indique Mme André-Dessornes à L'Orient-Le Jour.
Alors que, face à la menace jihadiste, les contrôles ont été renforcés en Occident, l'EI peut être tenté d'avoir recours aux femmes, une ressource dont ils disposent désormais massivement.
« Les femmes représentent aujourd'hui une sorte de force paramilitaire, qui ne nécessite pas forcément un entraînement, mais répond présent à des besoins stratégiques de l'EI, comme cela avait été le cas pour el-Qaëda en Irak », explique la chercheuse, auteure de Les femmes martyres dans le monde arabe : Liban, Palestine, Irak (éditions L'Harmattan).
Le recours à des femmes devrait rendre plus difficile encore la surveillance antiterroriste en Europe. Les femmes sont effectivement plus difficiles à surveiller, note Mme André-Dessornes, « elles se radicalisent seules, notamment sur Internet. C'est plus compliqué pour la police de les détecter ».
Si une femme est l'auteure d'une attaque, l'événement peut en outre avoir un impact fort, ajoute la chercheuse : « Le recours à une femme kamikaze pourrait faire l'effet d'une bombe qui marquerait les esprits, répondant ainsi à l'objectif de l'EI de créer un climat de terreur permanent. »
(Pour mémoire : Les recrues européennes de l'EI : « De plus en plus jeunes et beaucoup plus de femmes »)
Désir de prendre les armes
Les combattants du groupe terroriste interdisent théoriquement les champs de bataille aux femmes.
Mais certaines d'entre elles ont manifesté leur désir de prendre les armes, notamment à travers les réseaux sociaux.
À chaque nouvelle vidéo de l'EI montrant une décapitation, de nombreux tweets témoignent d'un désir de violence de plus en plus ancré dans l'esprit des femmes jihadistes.
« J'ai donc regardé la dernière vidéo de l'EI. Oh mon Dieu! Je les aime ! Charia = Justice ! Dieu merci », tweetait à titre d'exemple une jeune femme, le 16 novembre 2014, après la décapitation de Peter Kassig, un ancien soldat américain exécuté avec huit otages syriens.
Si un recours à des femmes kamikazes n'est pas exclu, Carole André-Dessornes estime néanmoins que d'éventuelles opérations féminines « resteront des cas isolés ».
Car le califat respecte malgré tout une stricte séparation des rôles entre l'homme et la femme, qui correspond à une idéologie bien marquée.
Jusqu'à présent, aucune femme de l'EI n'a pu porter des explosifs.
D'autres groupes radicaux ont toutefois déjà eu recours à des femmes kamikazes.
Au Nigeria, l'organisation terroriste Boko Haram, qui a prêté allégeance à l'EI, utilise cette technique depuis plus d'un an.
Et au Cameroun, le 25 juillet, 20 personnes ont été tuées dans un attentat-suicide revendiqué par Boko Haram et perpétré par une jeune fille de 12 ans.
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