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lundi 4 août 2014

Reportage: “N’allez pas à Sarcelles…”

Lundi 04 Août 2014 à 09:15 (mis à jour le 04/08/2014 à 09:19)
Par Pierre-Alexandre Bouclay 



Scène de rue à Sarcelles. Trafics, insécurité et oppression religieuse sont le quotidien des habitants de la ville. Photo © AFP
 

Reportage. Théâtre d’émeutes antisémites le 20 juillet, la ville du Val-d’Oise est une mosaïque explosive de communautés et de gangs rivaux, bien loin des clichés lénifiants sur le “vivre-ensemble”.
 
« N’allez pas à Sarcelles en ce moment, c’est vraiment dangereux. Plusieurs de vos confrères ont été agressés et dépouillés… »
Le conseil, émanant d’une source policière, se veut amical.
 La veille, la préfecture du Val-d’Oise a rejeté notre demande d’accompagner les forces de l’ordre sur le terrain et refusé de communiquer la moindre information sur la situation locale.
 Parallèlement, ni le maire de Sarcelles, François Pupponi, ni ses adjoints n’ont donné suite à nos questions.
C’est donc Aristide, quinquagénaire d’origine togolaise, qui nous guide sur le terrain. Ancien militant associatif, il a passé l’essentiel de sa vie dans les “quartiers” et a vu comment Sarcelles, laboratoire de la politique de la ville chère à la gauche, est devenu une zone multiculturelle et… multiconflictuelle, dont de larges pans sont désormais sous l’emprise de gangs criminels ou de réseaux islamistes abreuvés d’aides sociales.

Après les émeutes du 20 juillet, le dispositif policier s’est allégé autour de la gare de Garges-Sarcelles, du commissariat et de la grande synagogue, qui avaient formé l’épicentre des affrontements entre manifestants propalestiniens, policiers et service d’ordre de la Ligue de défense juive.
Les troupes antiémeutes ont cédé la place à des patrouilles moins voyantes.
Dans sa voiture aux vitres teintées, Aristide nous fait parcourir les rues de “Sarcelles-village”.
 Le quartier, avec ses 7 000 habitants, correspond à la commune historique, regroupée autour de son église et d’une architecture du XIXe siècle à peine enlaidie par quelques barres contemporaines.
Dans ce village gaulois vivent les derniers Français de souche de la ville, ainsi qu’une bonne partie des 6 000 membres de la puissante communauté assyro-chaldéenne.
 Pratiquement personne n’accepte de témoigner à visage découvert.

 Un commerçant explique : « On développe une mentalité d’assiégés. Les plus aisés déménagent loin d’ici ou dans les communes moins exposées du département. Mais les maisons achetées il y a quarante ans ont perdu de leur valeur, il est difficile de les vendre. Ceux qui sont contraints de rester développent des stratégies de contournement. On met ses enfants dans les meilleures écoles privées, quitte à se sacrifier pour le reste. On leur achète des scooters pour éviter les agressions dans les transports en commun. On fait ses courses dans les supermarchés des zones industrielles, moins fréquentés par la racaille. Il faut équiper ses maisons de système d’alarme, ne pas laisser une fenêtre ouverte, éviter les départs en vacances. »

Marie, Sarcelloise de 45 ans, est furieuse contre les journalistes qui ont présenté les violences comme une simple anomalie venue perturber une société multiraciale de bon aloi : « Le “vivre-ensemble” brandi par les médias est ridicule. Les personnes qui ont des amis dans les autres communautés sont rares. La vérité, c’est qu’on vit chacun dans son coin, en essayant de ne pas se croiser. Tant que ça marche, on évite les ennuis. »
Natif de “Little Jérusalem”, le quartier juif de Sarcelles, David Benzakoun, 38 ans, juriste, note une profonde dégradation des rapports entre les communautés : « Nous avons grandi ensemble, dans les mêmes écoles. Tout le monde se traitait de “sale feuj” [juif, NDLR], “négro”, “face de craie” ou “sale Arabe”, mais c’était pour rire. Le climat a changé avec la seconde Intifada, en 2000. J’en connais, ici, qui n’osent plus mettre leur kippa pour aller en centre-ville. Aujourd’hui, quand une bombe explose à Gaza, les éclats retombent à Sarcelles. »

Pour autant, l’antisémitisme n’est qu’un élément d’un communautarisme et d’un nihilisme exacerbés. Avant même de s’en prendre aux synagogues, les émeutiers se sont rués sur des commerces et un supermarché n’ayant rien de casher.
Les mêmes ont brûlé des voitures durant la Coupe du monde de football à chaque match de l’équipe d’Algérie.
Les agressions racistes sont monnaie courante… bien que généralement motivées par la prédation...lire la suite...

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