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vendredi 25 juillet 2014

La réforme territoriale, ou comment résoudre un problème qui ne se pose pas…


Tcho


Le 24 juillet 2014

    
Non seulement on veut imiter le voisin mais, en plus, on ne fait pas l'effort d'aller voir ce qui se passe vraiment chez lui !

Au temps de l’Union soviétique, ceux qui avaient analysé le phénomène idéologique (Raymond Aron, Jean-François Revel, Alain Besançon, Annie Kriegel, pour s’en tenir aux Français) disaient que le propre de l’idéologie était de laisser en plan les vrais problèmes et de chercher à résoudre ceux qui ne se posaient pas.
La France est confrontée aujourd’hui à d’immenses problèmes mais précisément pas à un problème de découpage régional !
 C’est pourquoi le gouvernement socialiste – gouvernement idéologique s’il en est – y consacre aujourd’hui l’essentiel de son énergie.
 Faux problème ?
 Oui, car nos régions, contrairement à ce qu’à force de l’entendre répéter on a fini par croire, ne sont pas plus petites que dans le reste de l’Europe.
La population moyenne de nos 21 régions métropolitaines (en ne comptant ni la Corse ni l’outre-mer) est de 2,9 millions d’habitants ; celle des 20 régions italiennes de 2,9 millions aussi. Celle des 17 communautés autonomes espagnoles de 2,5 millions.
 On croit que les länder allemands sont plus puissants : c’est en partie vrai.
En moyenne, les 15 länder comprennent
5 millions d’habitants, mais comme ils sont très inégaux, sait-on que 8 sur 15 sont plus petits que la moyenne française ?
 Et si l’on ne considère que les 6 länder de l’ancienne Allemagne de l’Est, créés en 1990, leur moyenne est de 2,5 millions seulement.
Sortons d’Europe : aux États-Unis, 20 États sur 50 ont moins de 3 millions d’habitants sans qu’il soit question de regrouper quoi que ce soit !
 L’Angleterre n’avait pas de régions et s’en passait d’ailleurs bien jusqu’à ce que Tony Blair en crée, mais pas plus grandes que les nôtres, l’Écosse (5 millions d’habitants), le pays de Galles (3 millions) et l’Irlande du Nord (1,8 million) étant des royaumes distincts posant des problèmes spécifiques.


Comme il arrive souvent, ce projet français est né de deux travers bien de chez nous : d’abord la germanolâtrie – l’idée que tout est mieux en Allemagne –, cette maladie née de la défaite de 1940, dont le général de Gaulle avait tenté de nous guérir mais qui est revenue au galop depuis ; ensuite la légèreté française qui fait que non seulement on veut imiter le voisin mais, en plus, on ne fait pas l’effort d’aller voir ce qui se passe vraiment chez lui !
Cette gent sotte et superficielle, comme dirait notre bon vieux La Fontaine, qui inspire les réformes en cours, est partie d’une illusion.
Le hasard ayant fait que les plus grosses régions de nos voisins, en Allemagne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie : 17,8 millions d’habitants ; Bade-Wurtemberg : 10,7 millions ; Bavière : 12,5 millions), en Italie (Lombardie : 9,8 millions), en Espagne (Catalogne : 7,5 millions) — à comparer cependant avec l’Ile-de-France : 11,8 millions et Rhône-Alpes : 6,2 millions — se trouvaient non loin de nos frontières, on n’a pas pris la peine d’aller plus loin : la Thuringe, les Pouilles, l’Estrémadure…

Non seulement cette réforme ne nous rapproche pas de nos voisins, mais elle nous en éloigne.
Ce à quoi tous nos voisins sont en effet attentifs, c’est de respecter les solidarités historiques.
Si les länder allemands sont si inégaux et si la Bavière est un gros land, c‘est parce que ladite Bavière a une histoire, comme l’Alsace, comme la Lorraine, comme le Limousin, comme la Picardie.
 Et aucune de ces entités n’est à cheval sur une frontière linguistique, comme le sera la future région Est.
 Nous avions réussi à le faire dans l’admirable réforme de 1964 et comme personne ne s’en plaignait vraiment, hors quelques idéologues, il y avait là, dans la logique désormais toute-puissante de ce que Guy Debord appelait « la société du spectacle », une bonne raison pour tout bouleverser.

Tout bouleverser au mépris de la sagesse qui commande de laisser au temps le soin de consolider les nouvelles institutions, comme on avait su le faire pour le département depuis 1789.
 Au mépris surtout de cette règle de sociologie administrative, hélas ignorée : en matière d’administration publique, il n’y a pas d’économies d’échelle !

Au contraire, il faudra ajouter aux coûts de transition – qui risquent d’être considérables comme dans toute réforme – le coût de concentration, lequel obéit à un principe malheureusement ignoré de nos décideurs publics : plus une structure est lourde, plus les frais généraux sont importants ; on aurait dû s’en apercevoir (entre mille cas semblables) avec l’intercommunalité qui a entraîné le recrutement de 200.000 fonctionnaires.

Bonjour les dégâts !

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