"Pas chère, ma pastèque, pas chère !" hurle un marchand de légumes du marché Barbès pour appâter le client.
À quelques mètres de là, deux à trois mille manifestants pro-palestiniens sont rassemblés. L'interdiction du rassemblement par la préfecture de police ne les a pas découragés.
Bien au contraire, plus que jamais, ils veulent dénoncer les crimes perpétrés à Gaza par l'armée israélienne. "Israël assassin ! Sionistes, fascistes, c'est vous les terroristes !" scandent-ils.
Présentes en nombre, les forces de l'ordre restent en retrait.
Un homme, drapeau palestinien noué autour du cou, s'amuse à glisser des quenelles afin d'empêcher le direct d'une journaliste de i>Télé.
Ses amis s'empressent de l'imiter.
Sur le toit d'un immeuble en construction, un drapeau israélien est brûlé par des manifestants.
Un autre subira le même sort dans la foulée.
Cris de satisfaction.
À l'autre bout du carrefour, deux casse-cou se tiennent debout sur le viaduc du métro aérien. "Ils sont fous, ils vont tomber", s'inquiète une mère de famille.
Bien qu'interdite, la manifestation commence dans une ambiance détendue.
Le cortège s'engage boulevard Barbès peu après 15 heures.
Les militants du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), le seul parti politique ayant maintenu sa participation au rassemblement, sont bien là.
Les antifascistes ont également fait le déplacement.
Sans crier gare, un barrage policier se forme pour bloquer l'avancée des pro-palestiniens.
Et, sans attendre, les CRS tirent les premières grenades lacrymogènes pour disperser la foule.
Début de panique générale.
"Nous sommes français, laissez-nous manifester !"
"Israël assassin, Hollande complice !Nous sommes tous des Palestiniens", reprennent en choeur les manifestants.
Malgré une atmosphère irrespirable, ils ne veulent pas céder le pavé aux forces de l'ordre.
Les premiers projectiles sont lancés en direction des policiers.
La réplique est immédiate.
Nouvelle salve de grenades lacrymogènes.
Imperturbables, un père et son fils continuent de vendre des keffiehs disposés dans un chariot.
Pour contrer les effets du gaz, des dosettes de liquide physiologique sont distribuées.
Face à l'avancée des CRS, les organisateurs décident d'un sit-in pour tenter de les ralentir, comme l'a rapporté notre collaborateur Armin Arefi. Mais d'autres souhaitent rejoindre la place de la Bastille, le Marais ou même le quartier du Châtelet.
Bref, la pagaille est totale.
"Nous sommes français, laissez-nous manifester", clame la foule.
À 17 heures, la chaussée est déjà jonchée de douilles de grenades lacrymogènes.
Lancées en cloche, elles font croire à certains que les CRS les tirent depuis les toits.
L'interpellation d'un manifestant un peu trop menaçant déclenche la colère de ses amis.
Un assaut est donné pour tenter de le libérer.
Il échouera.
Neuf adolescents, armés de barres de fer, de parapluies et de morceaux de bois, veulent eux aussi en découdre avec la "police sioniste".
Quelques coups de matraque suffiront à les faire reculer, la mine défait
Un hôpital pris pour cible
Tout à coup, une centaine de casseurs foncent vers l'entrée du métro Barbès.Une rumeur circule.
La Ligue de défense juive serait présente.
Aux cris de "Allah Akbar", ils s'acharnent à faire céder les grilles.
Après quelques minutes, c'est chose faite.
Les caméras de vidéosurveillance sont détruites les unes après les autres. Venue pour manifester dans le calme, Sarah, une étudiante de 19 ans, tente de les dissuader.
En vain.
Un homme s'amuse à faire résonner son Taser.
Un autre déplie son couteau.
Les CRS pénètrent à leur tour dans le métro.
S'engage alors une bagarre d'une rare violence.
Les casseurs s'attaquent ensuite à l'hôpital Lariboisière.
Les vigiles, trop peu nombreux, battent en retraite.
"Vous êtes frappés ou quoi ? C'est un hôpital !" s'époumone un vieil homme.
"Un hôpital sioniste", réplique un assaillant.
Dans le même laps de temps, des barricades enflammées sont érigées sur le boulevard de Rochechouart, les très nombreuses palettes du marché n'ayant pas été enlevées...
Une épaisse fumée noire s'élève dans le ciel.
Le trafic du métro est suspendu face au danger provoqué par les flammes.
Protégés par la police, les voyageurs évacuent les rames en marchant le long des voies aériennes.
La réaction des forces de l'ordre tarde à venir.
Elles sont dépassées par la tournure des événements, ce dont profitent les casseurs pour redoubler de violence.
"C'est la révolution !" s'exclame un homme arborant un autocollant du NPA.
"Sommes-nous à Gaza ?"
À l'angle de la rue de Clignancourt, un cordon de CRS est pris à partie par des jeunes munis de projectiles en tout genre.Ils répliquent avec des gaz lacrymogènes.
Face à la situation, les commerces se transforment en refuge pour les manifestants.
À l'extérieur, les forces de l'ordre tentent de reprendre le dessus.
Des policiers en civil, armés de Flash-Ball, se déploient pour mettre fin aux débordements.
De nombreuses arrestations ont lieu, mais cela ne suffit pas à calmer les plus excités.
Vers 19 heures, le calme semble pourtant bien être revenu.
De la fumée se dégage encore des barricades.
Et deux carcasses carbonisées de voitures de la RATP rappellent la violence des affrontements.
À certains endroits, faute de pavés, l'asphalte a été arraché pour servir de projectile.
En quittant les lieux, un couple encore sous le choc s'interroge : "Sommes-nous à Gaza ?"
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