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dimanche 4 mai 2014

Y aura-t-il une mosquée sur la Canebière ?




L'association Al Badr a des visées sur un local situé au 75 de la Canebière.

A l'étroit dans son actuelle salle de prière, ses responsables cherchent à acquérir un lieu plus grand.
 Elle a donc entamé une collecte de fonds auprès de ses fidèles pour financer son achat.
 A la Ville comme dans le voisinage, le projet ne reçoit pas un accueil très favorable.

Une mosquée sur la Canebière ?
Voilà bien le type d'annonce apte à échauffer les esprits.
 Le projet existe bel et bien, il est porté par les responsables de la petite mosquée Al Badr de la rue Mission de France, au coeur de Belsunce.
 Sur leur site internet, ils présentent leur projet d'acquisition un vaste lieu de culte de 400 mètres carrés leur permettant d'installer deux salles de prière - l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes - et d'autres dévolues à "l'apprentissage du coran et de la langue arabe" au n°75 de l'avenue.
Le lieu est bien connu des Marseillais puisque c'est là que se tenaient les Nouvelles galeries, avant qu'un incendie ne les détruisent en 1938.
 Depuis un "building" dessiné par Fernand Pouillon y a été érigé.
 Protégé au titre du patrimoine du XXe siècle, son état défraîchi est assez emblématique de celui de l'artère la plus célèbre de la ville.

Dans un entresol de la galerie en U de ce building, un panneau indique encore Le Live.
Ce local en étage que les responsables du lieu de culte ont dans leur viseur a accueilli un court moment une boîte de nuit qui a fait long feu faute de respect des normes en vigueur.
Avant cela, il accueillait un PMU.
 Le stupre et le jeu, et maintenant une mosquée, passage du vice à la vertu.
 C'est en effet ce local qui apparaît sur les plans mis en avant sur un tract diffusé par l'association.
Ce document indique également l'effort financier qui  leur reste à accomplir pour voir leurs souhaits exaucés.

Par la grâce d'Allah nous sommes sur le point d'acquérir un local d'une surface de 400 m2, comportant 3 à 4 salles de cours et ouvert à tous incha Allah : hommes, femmes et enfants. D'une valeur de 400 OOO euros, il nous est accordé un délai de 5 mois pour collecter la somme de 350 OOO €.
 
Or, le tract et le projet suscitent un certain émoi dans la galerie et dans les étages où logent de nombreux habitants.
"Les habitants sont très partagés, estime Christiane Mariotte, la présidence du conseil syndical de l'immeuble. Certains sont très craintifs à l'idée d'accueillir un lieu de prière avec tous les fantasmes que cela engendre. D'autres sont plutôt favorables. Personnellement, je pense que notre immeuble n'est pas adapté à recevoir du monde, notamment en pleine nuit".
La présidente craint également les prières de rue qui, selon elle, ne manqueraient pas de venir occuper les dalles de la galerie. Mais elle se rassure en affirmant que la vente est loin d'être finalisée.

"Rien n'est fait"

Effectivement, le propriétaire des lieux, Vincent Faiola confirme qu'aucun compromis n'a été signé contrairement à ce que la rumeur laissait entendre.
 "Rien n'est fait. Nous avons eu des pourparlers mais ceux-ci se sont arrêtés et je ne pensent pas qu'ils aboutissent. Au départ, j'étais plutôt favorable à une location mais eux voulaient acheter. Je crois qu'ils n'ont pas réussi à réunir l'argent".
Contactés aux numéros indiqués sur leur tract, les responsables de la mosquée commencent par se montrer très réticents à l'idée de répondre à la presse.
Ils finissent par donner rendez-vous à la terrasse d'un café de la Canebière à quelques mètres du local convoité.
 Toujours méfiants, l'un d'eux enregistrera l'intégralité de la conversation.
 Ce responsable de la communication de l'association insiste sur le fait que ce local n'est pas le seul à être dans leur viseur.
"Nous avons huit ou neuf locaux possibles dans le secteur".
 Depuis plusieurs années, leur petite mosquée est confrontée aux problèmes des fidèles qui débordent jusque sur la chaussée au moment de la grande prière du vendredi.
 En 2011, suivant la doctrine Guéant, la préfecture avait regardé de plus près les mosquées du centre-ville dont les croyants squattaient la chaussée.
 À ce moment-là, la mosquée Al Badr avait participé aux réunions en préfecture.
Ils avaient fini par louer un petit local en face du premier pour accueillir les pratiquants. 
"Les mosquées du centre-ville ne sont pas assez grandes pour accueillir les musulmans qui vivent dans le centre-ville. C'est pour cette raison que nous sommes à la recherche d'un local plus grand". 
Ils assurent que le respect du voisinage est "imposée par leur religion".
 "Nous ne voulons pas causer de gêne. Une mosquée cela apporte le calme. Une religion, c'est serein", affirme l'un des deux.
 En revanche, ils confirment ne pas avoir encore abouti ni dans la collecte de l'argent nécessaire, ni dans les discussions avec le propriétaire.
"C'est pour cette raison que nous n'avons pas encore discuté avec les riverains ou avec les autorités. À quoi cela sert de venir discuter alors qu'il n'y a rien de concret ?", insiste l'autre.
 Les deux responsables sont bien conscients du caractère polémique de l'installation d'une salle de prière musulmane en centre-ville.
 L'un et l'autre arborent les signes extérieurs - barbe drue et robes longues - d'une vision traditionaliste de l'Islam.
Leur salle de prière a d'ailleurs une réputation d'intégrisme ou de salafisme sans que cet anathème ne soit jamais affirmé publiquement.
 "Nous rejetons toutes ces étiquettes. Nous n'appartenons à aucun courant. Nous sommes des musulmans pratiquants qui souhaitons pratiquer", se défendent-ils.

"Je choisirai les marins-pompiers"

Jointe par nos soins, la nouvelle maire de secteur des 1/7, Sabine Bernasconi a été mise au courant du projet de mosquée sans en connaître les détails. "Je n'ai été contactée par aucune association à propos d'un quelconque projet à cet endroit. Tout ce que j'en sais, je le tiens des riverains qui m'ont présenté le tract en question".
 La nouvelle édile prend grand soin de ne pas clairement affirmer d'opposition au projet, ni même d'évoquer la symbolique de la Canebière.
 "Nous sommes tout à fait conscients qu'il y a un besoin de lieu de prière dans le 1er arrondissement. Mais le centre-ville n'est pas forcément adapté. Les rues sont étroites. Nous nous en sommes aperçus en cherchant des sites pour des équipements sportifs. Si cette association vient me voir, nous chercherons avec eux des solutions qui les éloigneront sans doute du centre-ville".
Dernier argument qui plaide plutôt en défaveur du projet, Sabine Bernasconi invoque un projet ancien d'extension du centre de secours des marins-pompiers qui jouxte la galerie.
"S'il fallait choisir entre ce projet et celui d'une mosquée, je choisirais les marins-pompiers".
 Cette dernière information étonne un peu la présidente du conseil syndical : "La Ville possède de nombreux locaux dans la galerie dont elle ne fait rien. Je serai ravie que la mairie se décide à en faire quelque chose pour les marins-pompiers mais je ne vois pas vraiment en quoi cela concerne l'ancienne boîte de nuit".

D'autant plus que des éventuels travaux d'extension seraient contraints par le classement du building.
Dans les couloirs de l'hôtel de Ville, on est évoque une position beaucoup plus ferme : en cas de compromis de vente, la Ville fera jouer son droit de préemption.

 Pas question de voir un lieu de prière s'installer sur la Canebière.
Mais, comme le projet, la position n'a rien d'officielle.
 
Par Benoît Gilles, le 28 avril 2014

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