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mercredi 12 mars 2014

Écoutes de Sarkozy : Taubira, fusible malgré elle .



Le Point.fr - Publié le
Christiane Taubira.Christiane Taubira. © AFP
 
 
La ministre de la Justice, dans l'affaire des écoutes, est tombée dans tous les panneaux. Elle provoque la colère de l'ensemble d'une profession.
  
Plus de 500 avocats de droite et de gauche, parisiens et provinciaux, célèbres et obscurs, ont signé une pétition pour protester contre la mise sur écoute judiciaire, des mois durant, de l'un des leurs, Me Thierry Herzog, conseil de Nicolas Sarkozy.
 C'est toute une profession qui se révolte contre la profanation de l'un de ses talismans : le secret professionnel. "
Si j'ai bien compris la chronologie, dit avec une fausse naïveté un pénaliste renommé, les juges d'instruction saisis d'un financement supposé de la campagne présidentielle de Sarkozy par Kadhafi commencent par écouter des conversations entre l'ex-président et son avocat.
 Puis ils se rendent compte que les deux hommes utilisent des appareils dédiés spécifiquement à leurs échanges.
Ils mettent donc en place un système d'écoute sur ces appareils.
 Ils piétinent allégrement les principes. Et tout cela dure onze mois, c'est long !"


En laissant - à l'insu de son plein gré ? - tourner les magnétophones pendant près d'un an, Christiane Taubira ramène le pays vingt ans en arrière, quand avocats, magistrats et responsables politiques menaient les uns contre les autres une guerre sans relâche.
Le bâtonnier de Paris, Pierre-Olivier Sur, en a appelé à la haute protection du président de la République en tant que "garant des libertés publiques".
 François Hollande s'est dit prêt à le recevoir.
Il doit en effet se montrer rassurant.
Car la défiance est telle que circule un peu partout une phrase prêtée récemment au le chef de l'État sur Nicolas Sarkozy devant un groupe de députés PS : "Ne vous inquiétez pas, je le surveille. Je sais exactement ce qu'il fait." Il est des petites blagues dont on se passerait bien...

Amateurisme ou duplicité ?

Cette affaire permet au moins à tous les citoyens d'apprendre qu'ils risquent, dès qu'une information judiciaire est ouverte, d'être écoutés pendant des mois : quatre dans un premier temps, renouvelables autant de fois que le désire le juge d'instruction saisi du dossier.
 Elle montre surtout qu'il est difficile de respecter les beaux principes que l'on proclame.
Christiane Taubira répète comme un mantra combien elle appelle de ses voeux l'indépendance du parquet.
 Un parquet qui a accès aux dossiers d'instruction, et donc connaissance des écoutes pratiquées.
 Elle a osé faire gros : prétendre qu'elle n'était au courant de rien.
Les juges, "totalement indépendants", seraient sans relation avec la chancellerie.
C'est oublier le rôle joué par le parquet, justement, ou plutôt feindre de l'ignorer.
On a du mal à imaginer que, pendant onze mois, les procureurs n'ont pas jugé utile d'informer la ministre qu'un ancien président était placé sur écoute.

Lundi soir, la garde des Sceaux déclarait, sur TF1, qu'elle ne savait rien de rien puisque le dossier judiciaire était traité par des juges "totalement indépendants, sans relation avec la chancellerie".

Avant même que Le Canard enchaîné n'affirme, ce mercredi matin, que Christiane Taubira était au courant au moins depuis le 26 février - elle a donc menti en disant avoir appris l'affaire par la presse -, de nombreux avocats s'indignaient que l'on puisse ainsi nier l'évidence : "Il y a dans cette affaire soit un très grand amateurisme, soit une très grande duplicité", assure Me Jean Castelain.
Ancien bâtonnier de Paris, il avait essuyé les plâtres quand une directive européenne avait obligé les avocats à dénoncer leurs clients s'ils se livrent à des opérations financières frauduleuses.
Ce texte n'avait, c'est le moins que l'on puisse dire, pas plu à la profession.
Celle-ci a désormais d'autres sujets d'indignation.

Pour orner un peu plus ce tableau, Jean-Marc Ayrault a confirmé avoir lui aussi été informé de l'existence de ces écoutes.

Christiane Taubira a donc assuré contre toute vraisemblance n'avoir rien su avant tout le monde ni de l'affaire Cahuzac hier ni des enregistrements aujourd'hui.

 Peut-être s'est-elle trop investie dans la réouverture du tribunal de grande instance de Tulle, la ville du président.

Une priorité nationale, à n'en pas douter, dans une période où chaque centime d'argent public compte.

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