Publié par : redacbzhinfo 17 février 2014
17/02/2014 – 12H00 Brec’h (Breizh-info.com) –
Breizh-info a pu recueillir le témoignage de Wolfgang Bourlett, l’un des manifestants contre l’écotaxe qui a été blessé à la manifestation de samedi.
Secrétaire adjoint du comité local des Bonnets rouges du Pays Bigouden, ce jeune de Pouldreuzic, âgé de 31 ans, a été en effet tabassé par sept CRS.
La vidéo prise par un manifestant de son passage à tabac tourne depuis ce week-end sur les réseaux sociaux.
Alors que ce matin Philippe Noguès, député socialiste du Morbihan, ancien apparatchik du PS et cadre CFDT, était visiblement en service commandé et fustigeait dans les colonnes accueillantes d’un quotidien régional les « casseurs » d’Auray et les Bonnets Rouges, on est en droit de se demander de quel côté était vraiment la violence.
Aujourd’hui, avec un bras enflé, des douleurs importantes du cou jusqu’aux jambes et 10 jours d’ITT, Wolfgang s’apprête à porter plainte pour violences contre les forces de l’ordre et est plus déterminé que jamais. Récit.
« J’étais au premier rang, c’était calme. Des CRS étaient un peu excités, peut-être parce qu’ils étaient en sous-effectif. A un moment, j’ai mis un fumi[gène] à deux mètres d’eux. Un CRS a shooté dedans pour nous le renvoyer. Un camarade a mis un pneu brûlant dans l’espace qui nous séparait des CRS, puis s’est retiré. Ils ont chargé brusquement, deux m’ont chopé, j’ai réussi à repartir, alors ils se sont mis à sept ».
Wolfgang s’est accroché à la glissière de sécurité centrale « alors ils m’ont tabassé à coups redoublés jusqu’à que je lâche. Je n’ai lâché que quand mon muscle a lâché ».
Non content de le tabasser, un des CRS a « arraché mon masque à gaz, mes lunettes qui étaient sur ma tête et mon bonnet et m’a passé un gant plein de lacrymo sur la figure et me l’a fait bien entrer dans la bouche ».
Après quoi, il a été porté par quatre CRS derrière les grilles anti-émeutes.
L’un d’eux l’a attrapé « par le bras qu’il m’avait défoncé et m’a traîné trois mètres sur le sol. Deux fois. J’ai gueulé que je pouvais marcher tout seul et il m’a laissé le faire ».
Pris en charge par un gendarme en civil, il s’est vu notifier sa garde à vue.
Il s’est plaint de son bras et le gendarme, qui l’a examiné, a vu son bras « qui avait doublé de volume », a appelé les pompiers.
Ceux-ci ont joint le SAMU et vu son état, la garde à vue a été levée sur place.
« Le SAMU voulait passer de l’autre côté des grilles pour aller examiner un manifestant qui s’était pris un coup de flashball dans la tête et les forces de l’ordre ont refusé. Ils ont dû faire tout le tour, ce qui leur a pris 45 minutes », se souvient Wolfgang.
Après quoi, bien que sa garde à vue ait été levée, « un mec est venu me photographier, je lui ai dit, tu fais quoi, je me suis caché, et il a pris ma tête en photo ».
Pour le fichier des (ex-)RGs, peut-être.
Convoqué pour avoir participé à un attroupement armé, lancé des projectiles et des fumigènes, Wolfgang ne tient pas à se laisser tabasser sans réagir.
Examiné par un médecin de Vannes, il a dix jours d’ITT.
« Je ne sais pas par quel miracle je n’ai pas eu de fracture » explique celui qui se prépare à porter plainte contre les forces de l’ordre pour violences volontaires et insultes.
Le certificat médical établi par le docteur Frédéric Guérin est parlant : « hématome de 18 cm» sur son bras gauche associé à « 8 ecchymoses linéaires de 5 à 6 cm », sans oublier diverses autres lésions au bras, une « ecchymose linéaire de 10 cm » au « deltoïde droit », c’est-à-dire à l’épaule ; un « œdème de la face antérieure du tibia gauche de 12 par 6 cm sans fracture associée », des douleurs au coude et une « dermabrasion [lésion] linéaire de 10 cm de l’angle extérieur de l’œil gauche à l’angle de la mandibule ». Son bras est toujours gonflé : « je suis en mode tourteau, une grosse pince, une petite », explique Wolfgang qui ne perd pas le sens de l’humour dans l’adversité.
Plusieurs autres manifestants – au moins cinq ou six – ont été blessés et s’apprêtent à porter plainte pour violences volontaires.
L’un d’eux a reçu sur la tête un coup de flashball à projectiles durs tiré à moins de 5 mètres à lui ; un traumatisme crânien lui a été diagnostiqué.
Ce type de munition ne doit pas être utilisé à moins de 10 mètres d’une manifestation et est réservée à un adversaire armé.
Ceux d’Auray ne l’étaient pas.
Thierry Merret, qui était en avant des manifestants, a lui-même « reçu un coup sur la tête pendant qu’il discutait avec les forces de l’ordre », note Wolfgang.
D’ailleurs, « c’est grâce à Thierry Merret qu’on est sortis de garde à vue. Lui, il était devant, il était là de bout en bout de la manif, pas pour faire sa campagne » – faisant allusion à Christian Troadec – « et on le suivra jusqu’au bout ».
Pour Wolfgang « il y a clairement eu des ordres de casser un maximum de Bonnets Rouges pour espérer mater le mouvement ».
Alors qu’est-ce qui a fait basculer la manifestation ?
« Au début, il y a eu quelques lancers d’œufs. Mais les CRS ont répliqué tout de suite en balançant de la lacrymo dans nos rangs, y compris sur et dessus la cinquantaine de camions. Les routiers qui étaient présents étaient outrés. C’est ça qui a fait basculer la manif en affrontement ».
Il rappelle aussi les agriculteurs bloqués en amont, et qui n’ont pu les rejoindre.
Le cortège bloqué « 45 minutes, soi-disant le temps que les barrières de sécurité soient démontées ; elles ne l’ont pas été mais les forces de l’ordre ont mis à profit le délai pour se positionner ».
Les portables qui ne passaient plus : « dès qu’on a été sur le parking du resto routier, y avait plus moyen de passer des appels, ni de se connecter sur le net alors qu’il y avait du réseau ».
Les médias bannis : « les flics n’ont pas voulu laisser passer les journalistes, il n’y a que Tébéo qui a réussi à s’infiltrer parmi nous ».
Tout avait l’air d’être prévu pour un tabassage en huis-clos.
Même les CRS en première ligne alors que d’habitude, ce sont les gendarmes mobiles qui sont devant.
Malgré son tabassage, Wolfgang est plus déterminé que jamais.
Comme nombre des manifestants de samedi.
« Tout ce qu’ils ont réussi, c’est attiser la haine contre leur pouvoir qui détruit les valeurs de la République et met le bordel partout dans le pays. On continue à se battre y compris pour la suppression de l’écotaxe ».
La Bretagne d’aujourd’hui – et de demain – est fidèle à ses valeurs et à son histoire. Sous les coups de matraques comme face aux fusils, le Breton ne faiblit pas, il se bat, il est debout.
Le rapport médical
Le rapport médical
Louis-Benoît Greffe
Photos : breizh-info.com[cc] Breizh-info.com, 2013, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
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