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lundi 27 janvier 2014

Jour de colère dans Paris.

liberte

Le 26 janvier 2014


   
À cette manif un peu foutraque, pas de « tenue correcte », ni de carton d’invitation exigé à l’entrée. On y vient dans son jus, comme on est.
    
Dimanche, de la Bastille aux Invalides, c’était Jour de colère.
 Alors ils sont tous venus, la carpe et le lapin, de Sarcelles à Versailles, avec leur colère en bandoulière, sous une pluie assortie à leur humeur.
17.000 selon la police, 160.000 selon les organisateurs.
 Des organisateurs que personne ne connaît.
 Car aucun parti politique, aucun mouvement d’envergure, ni bonnets rouges ni LMPT, n’a appelé à manifester.
Le succès n’en est que plus inattendu, déconcertant, inquiétant…
 À cette manif un peu foutraque, pas de « tenue correcte », ni de carton d’invitation exigé à l’entrée.
On y vient dans son jus, comme on est, avec la pancarte qu’on s’est bricolée sur un coin de table. Suffit d’être en colère.
C’est le principe.
Beaucoup de jeunes, énormément de jeunes.

 Derrière la banderole « lycéens et étudiants en colère », il y a les Hommen.
 Une trentaine de jeunes gens marchent symboliquement enchaînés par un homme casqué en scooter…
 Au-dessus de leur pantalon coloré, ils sont torse nu, certains grelottent, mais ils crient pour se tenir chaud.
Dans la foule qui marche, les slogans sont souvent drôles, parfois graveleux, actualité oblige.
 Hasard de manif, des mères de familles cathos marchent derrière un
« Pendant que la France part en c… Hollande promène les siennes ».


Si vous croyez que ça dérange les petites dames…
 La respectabilité, le bon goût, l’impression que l’on va faire au 20 h sur les médias de bon aloi, on finit par s’en battre les roupettes, justement.
 Parce que quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, on aura toujours tout faux.

 Parce que même en mettant un tutu rose, en faisant les pointes devant la caméra, en ayant l’air jeune, sympa, sexy et ouvert d’esprit, on sera toujours un facho.
 Parce que quand la maison brûle, on ne fait pas taire le p’tit gars qui crie « au feu » avec vous, sous prétexte qu’il mettrait ses coudes sur la table ou aurait fait une quenelle au lycée.
Car des quenelliers, il y en avait quelques-uns.
 Et même des quenelliers « de la diversité ».
Mais quel était donc le ciment de cette manif bigarrée ?
 Quel était donc l’improbable point commun entre Renaud Camus, Christine Boutin, des militants LMPT et des aficionados de Dieudonné venus de la banlieue ?

 La détestation de Hollande, bien sûr…

 Et surtout une immense soif de liberté d’expression.
Quand un jour l’étau se sera desserré – s’il se desserre un jour –, n’ayez crainte, tout ce monde-là se remettra sur la gueule.
 Mais en attendant, ils partagent leur colère.
 Hollande, au moins, aura réussi ça.
 Le « vivre ensemble » pour des populations aux antipodes. La cohésion négative.
Aux fenêtres des « beaux quartiers », comme dit Aragon, des électeurs d’Anne Hidalgo leur font parfois des « doigts ».
Puis rentrent en fermant soigneusement les rideaux.
Comme si cette colère qu’ils méprisent leur faisait vaguement peur.
À l’arrivée, place Vauban, les orateurs n’en sont pas.
 Mais dans leurs discours, ils déballent leurs tripes… Le chômage, l’exclusion, la famille persécutée, les impôts.
La mère de famille succède à l’étudiant, le chômeur au petit patron. Hollande ne veut pas les entendre ?
Eux ne veulent plus le voir.
Il faut qu’il parte.
 Démocratiquement.
Avec l’énergie un peu folle du désespoir.
Car ils croient avoir trouvé la faille, le biais, l’issue de secours : l’article 68 de la Constitution qui permet aux deux Assemblées d’engager la procédure de destitution du président de la République pour « manquement grave ».

Et pour convaincre les députés, Béatrice Bourges entame une grève de la faim au Mur pour la Paix, sur le Champ-de-Mars. Jusqu’au départ de Hollande. Portée par la colère de ces milliers de manifestants.

À 18 h, l’ordre de dispersion est lancé.

À 18 h 10, les forces de l’ordre bloquent les avenues donnant sur la place et balancent les premiers gaz lacrymogènes.
 Pour apaiser la colère, sans doute ?

 Les grands médias, eux, n’ont rien vu, rien entendu.

Quelle manif ? Quelle colère ? Préfèrent parler du dîner de gala à Bombay de madame Trierweiler que du jeûne de madame Bourges.

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