Par Jamila Aridj
Celui qui est devenu le symbole de la répression policière dont s'estime victime le mouvement La Manif pour tous se présente peu après 14 heures devant la cour.
En chemise blanche et pantalon clair, il répond avec beaucoup d'aplomb aux questions du président, décline son identité, sa situation familiale et professionnelle. Dans une salle surchauffée, l'appel du collectif "à ne perturber en aucune manière le bon déroulement des débats" a pourtant été entendu, les militants n'ont pas fait le déplacement, laissant les journalistes et les curieux remplir les bancs.
Debout, les bras croisés, le jeune homme de 23 ans, étudiant à l'Institut catholique de Paris (ICP), qui avait finalement annulé sa demande de mise en liberté, écoute les faits qui lui sont reprochés dans deux affaires. Ceux remontant au 25 mai 2013 autour d'un apéro festif organisé sur l'avenue des Champs-Élysées, puis ceux du dimanche 16 juin dernier où, avec 1 500 opposants au mariage homosexuel, il est devant les locaux de M6 pour accueillir François Hollande et tenter de se faire entendre du président. En première instance, l'étudiant a été relaxé dans le premier dossier, mais le parquet a fait appel, il a en revanche été condamné à deux mois de prison ferme et incarcéré pour les faits plus récents.
"Cette affaire n'est pas banale"
"Pour la première affaire, qu'avez-vous à nous dire ?" lui demande l'un des deux assesseurs."Très simplement, nous étions sur les Champs-Élysées avec des amis, pour un apéritif festif, voilà, si vous avez des questions précises, j'y répondrai."
"Ce n'est pas banal de donner la parole à un accusé pour qu'il s'explique et qui trouve plus intéressant qu'on lise le dossier..."
"Cette affaire n'est pas banale", riposte le militant.
Le 25 mai, le jeune homme loue une camionnette près de la gare Montparnasse, direction l'avenue des Champs-Élysées. Vers 21 heures, il gare le véhicule sur l'avenue, commence à le vider avec ses amis avant d'être victime "d'une agression sauvage", "d'une brutalité extraordinaire", raconte-t-il.
"Qu'est-ce que vous transportiez ?" le questionne l'avocate générale.
"Des bouteilles d'eau, répond l'accusé. Des boissons, des biscuits secs pour l'apéritif."
"Nous ne sommes pas aux États-Unis, monsieur"
Je vous arrête tout de suite, une fouille du véhicule a été faite, il n'y avait ni boissons ni gâteaux secs... N'y avait-il pas des barrières métalliques ?""Il y avait des bouteilles d'eau, on voit dans les vidéos les policiers les décharger pendant la perquisition", objecte le jeune homme.
"Il n'y a pas eu de perquisition, nous ne sommes pas aux États-Unis, monsieur, il y a eu fouille du véhicule, dans le cadre d'un flagrant délit."
"Nous n'avons pas eu le temps de décharger, à peine le véhicule arrêté, j'ai été plaqué au sol, menotté, insulté... Ça s'est passé dans la précipitation, en cinq minutes", plaide l'étudiant.
"Les images vous montrent en train de décharger les barrières métalliques, puis être menotté à ces barrières, poursuit la représentante du parquet. Et tout cela n'aurait duré que cinq minutes ?" "Je vais en rester là", finit-elle par lancer en pestant.
Hématomes
"Passons à la deuxième affaire", poursuit l'assesseur. Le dimanche 16 juin, à la dispersion de la manif, devant les locaux de la chaîne de télévision, Nicolas poursuit son chemin avec une trentaine de jeunes sur les Champs-Élysées. Le militant dit alors avoir vu "une masse noire venir en silence". "Mon premier réflexe, c'est de prendre mes jambes à mon cou", ajoute-t-il. Il trouve refuge dans une pizzeria, monte à l'étage "pour aller prendre un verre". D'en haut, il entend "des cris et des hurlements avant de voir des hommes monter, tout de noir vêtus, sans écusson, sans badge, sans brassard. Un individu se jette sur moi, me donnant des coups au visage, me rouant de coups de genou, il me menotte avant de me transporter comme un colis. J'ai été bastonné." Des constatations médicales attestent la brutalité de l'interpellation. "On voit encore des hématomes jaunes et bleus sur ses jambes", ajoute maître Lef Forster, l'un de ses avocats.Pour l'avocate générale, Nicolas aurait montré une "résistance certaine", "les policiers avaient face à eux un individu excité, en état de démence, insultant le président de la République". Elle balaye la version du militant pour réclamer la relaxe dans la première affaire et cinq mois de prison avec sursis assortis d'une amende de 1 000 euros pour la seconde.
"Nicolas dérange" (avocat)
La défense, qui est appelée à plaider, porte l'affaire sur le terrain politique. "Qui en veut à Nicolas ?", "Qu'a-t-il fait pour se retrouver derrière les barreaux à Fleury-Mérogis ?" interroge maître Benoît Gruau. "Quatre-vingt-seize heures de garde à vue au cours desquelles il se retrouve dans une cellule avec deux transsexuels qui ont un rapport anal.Les policiers ont usé de techniques de torture pour le faire craquer, ajoute maître Pierre-Philippe Boutron-Marmion. On le place à l'isolement. Pas de douche pendant dix jours. Pas de visite de ses proches, pas de livres. Pourquoi ? Parce que Nicolas dérange", finit par lancer l'homme de loi, qui a demandé à la cour d'oser "la relaxe générale", sans être suivi.
Le jeune homme a été reconnu coupable de rébellion et d'avoir fourni une identité imaginaire aux policiers qui l'interpellaient et condamné à 4 000 euros d'amende, dont 1 500 avec sursis. Après trois semaines d'incarcération, il devrait rapidement être libéré.
http://www.lepoint.fr/societe/anti-mariage-gay-nicolas-buss-tient-tete-au-tribunal-09-07-2013-1702358_23.php
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