L'augmentation du nombre de chômeurs a marqué une pause en mai, avec seulement 100 demandeurs d’emploi en plus en métropole. Il s'agit néanmoins d'un record de 3 264 500 inscrits.
Atlantico : Après deux ans de hausse continue, le nombre de demandeurs d'emploi a marqué une pause en mai. Quels enseignements faut-il en tirer ? Est-ce le début de l’inversion de tendance espérée par François Hollande ?
Eric Verhaeghe : Le premier enseignement me semble être l'étonnement : nous sortons de plusieurs mois de hausse colossale. Les chômeurs de catégorie A viennent de se stabiliser, et tout le monde semble souffler. La question est d'abord de savoir comment le chômage a pu augmenter si vite, et dans de telles proportions durant les 12 derniers mois. Certains interpréteront bien entendu ce tassement comme l'inversion de la courbe tant attendue par le Président.
Cette interprétation est très inexacte,
et d'ailleurs n'est pas donnée par le gouvernement.
D'abord parce que le nombre de chômeurs indemnisés continuent d'augmenter. En particulier, la hausse conjuguée des catégories C et D, c'est-à-dire de personnes sans emploi et sans recherche positive d'emploi nouveau est de 10.000.
Au sens strict, le chômage a donc augmenté en un mois de 10.000 personnes, soit 500 nouveaux chômeurs par jour ouvrable.
Ensuite, il faut entrer dans le détail des chiffres cachés pour voir combien de chômeurs sortent du dispositif après radiation, par exemple, ce qui permet de juguler la hausse sans créer d'emploi.
De ce point de vue, je n'aime pas la statistique du chômage, qui est éminemment politique et éminemment triturée par tout le monde pour faire des slogans creux. Je préfère la statistique de l'emploi produite mensuellement par l'ACOSS. Celle-ci mesure le volume d'emplois existants, ce qui est bien le sujet de fond de ce pays. Notre problème n'est pas tant d'avoir trop de chômeurs, que de ne pas avoir assez d'emplois.
François Hollande compte beaucoup sur la multiplication des emplois aidés. Ces derniers peuvent-ils vraiment avoir un effet durable sur la situation de l’emploi ?
Pourquoi Je rebondis sur ce que je disais, justement. L'enjeu de la prospérité n'est pas de supprimer le chômage à n'importe quel prix.
L'enjeu est plutôt de créer de véritables emplois, c'est-à-dire des emplois qui servent à créer de la valeur profitable à l'ensemble de la société.
Créer de l'emploi sur le mode soviétique, c'est-à-dire par une utilisation de l'impôt pour recruter des gens dont on ne sait trop à quoi ils serviront, tout le monde sait le faire, mais cela n'a jamais servi la prospérité.
Au contraire, tout l'argent que nous mettrons dans des dispositifs de poussière sous le tapis, c'est de l'argent qui ne sert pas à fabriquer un nouveau tapis. Voilà notre difficulté.
Il est manifeste que le président de la République cherche juste un effet d'affichage transitoire pour la fin de l'année, afin de montrer qu'il a gagné son pari.
Il est donc prêt à creuser le déficit public pour regagner quelques points de popularité pendant quelques semaines.
Si l'on est franc entre nous, on doit bien reconnaître que la France file un mauvais coton : il n'y a plus dans ce pays la moindre vision de ce que doit être la France de demain, et tout se décide à quelques semaines, avec pour seule ambition le baromètre de popularité des sondages d'opinion. Tout cela a un parfum de décadence impériale qui fait mal au cœur.
Le président de la République a promis l’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année. D’une certaine manière, peut-on dire qu’il est en train d’acheter l’inversion de la courbe du chômage ? Mathématiquement, est-ce possible ?
Les emplois aidés permettront effectivement de trafiquer les statistiques pendant quelques mois, en convertissant par exemple quelques-uns des 700 000 jeunes qui vont débarquer sur le marché de l'emploi en septembre en petites mains dans les administrations ou dans les établissements scolaires.
Mécaniquement, il faut donc s'attendre à une hausse du chômage en septembre et octobre liée à cet événement démographique (l'arrivée des jeunes sur le marché de l'emploi), puis à une baisse des chiffres à hauteur de 30 000 ou 40 000 en décembre, grâce au recrutement de 50 000 ou 60 000 jeunes en emplois aidés. Pourquoi ? parce que le croît naturel prévisible du chômage est de 10 000 par mois.
La vague de recrutements artificiels ne cachera donc que partiellement la dégradation de la situation. Il faut avoir à l'esprit que 100 000 nouveaux contrats permettent de stabiliser les statistiques du chômage pendant environ 10 mois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.