Mardi 21 mai, le journaliste Mikaël Lefrançois porte plainte pour violences aggravées contre Denis Hochard, le directeur de la Tranquillité publique de Montreuil et quelques uns de ses agents. Les Inrocks produisent aujourd’hui une vidéo de l’altercation qui met en doute la défense des agents municipaux. Derrière ce fait divers, on découvre un service à qui la mairie a, petit à petit, confié des missions de police. Des dérives violentes ont été maintes fois signalées à la maire Dominique Voynet. Sans effet jusqu’à présent.
Rencontrée dimanche matin, l’ex-ministre promet désormais des sanctions.
Dimanche 19 mai, deux heures du matin. Mikaël Lefrançois, journaliste pour l’agence de presse TSVP, et un ami, ne peuvent entrer dans le Palais des congrès de Montreuil. Le festival électro pour lequel il se sont déplacés affiche complet. Sur le trottoir de la rue de Paris, Mikaël Lefrançois aperçoit des agents de la Tranquillité publique, reconnaissables au “ASVP” (Agents de surveillance de la voie publique) ou “Tranquillité publique” scotché dans leur dos.
Censés s’occuper avant tout de dresser des contraventions et de la circulation, ils sont accompagnés de leur directeur de 52 ans, un certain Denis Hochard. Le journaliste connaît le visage de ce cadre municipal, ex patron d’une entreprise de sécurité privée. L’an passé, il a entamé une enquête sur cet homme et les dérives supposées de son service pour la chaîne télévisée M6.
A la ceinture de certains agents municipaux, Mikaël remarque des bombes lacrymogènes.
A la ceinture de certains agents municipaux, Mikaël remarque des bombes lacrymogènes.
Photo prise par l’ami de Mikaël le même soir. On aperçoit la goupille jaune des bombes lacrymogènes, armes de catégorie 6 que ces ASVP ne peuvent porter.
Le journaliste se doute que ces agents non assermentés n’ont pas le droit de porter ce type d’arme défensive. Il sort son iPhone et prend une photo. Denis Hochard le voit faire, il s’approche immédiatement en réclamant que le cliché soit effacé. Mikaël Lefrançois refuse. S’en suit un bref échange qui se conclut par une mise à terre du journaliste et une confiscation de son téléphone.
“Tu vas te le mettre dans ton cul ton appareil”
Avec les ASVP, des policiers municipaux présents se contentent de se mettre autour de la scène comme pour la cacher aux curieux. Ils n’interviennent pas. Denis Hochard exige ensuite le code du téléphone, il finit par l’obtenir et efface les photos. Deux jours plus tard, Mikaël Lefrançois se voit prescrire trois jours d’ITT pour une hémorragie à l’œil droit. Il porte plainte pour violences aggravées. L’AFP publie une dépêche sur le fait divers, Denis Hochard est suspendu de ses fonctions. La mairie de Montreuil déclenche une enquête administrative, le parquet de Bobigny une enquête judiciaire. Jusqu’à présent, Denis Hochard affirmait qu’il avait été invectivé par le journaliste aux cris de “facho”, “milice” et “mort aux vaches”. Les agents municipaux ont expliqué lors de l’enquête administrative être intervenus lorsqu’ils auraient senti leur patron menacé. Aucune conclusion n’a été encore rendue.
Les Inrocks produisent aujourd’hui deux vidéos tournées ce soir-là par l’ami qui accompagnait Mikaël. Elles tranchent nettement en faveur de la version des faits présentée par le journaliste. Ces films ont été remis aux enquêteurs. Les sous-titres que nous leurs avons ajoutés ont été authentifiés par un huissier.
Dans la première partie de la vidéo, les agents reprochent au journaliste de les avoir pris en photo. Ils le plaquent au sol pour récupérer de force son téléphone. Dans la seconde partie, Denis Hochard menace de “casser la gueule” à un Mikaël Lefrançois bredouillant. “Il était dans un état second“, prétendent les agents municipaux qui sous-entendent une éventuelle prise de drogue ou d’alcool, pourtant jamais médicalement constatée. Sur les images, on voit surtout le journaliste encore choqué par son plaquage au sol une minute plus tôt. Hochard lui lance alors agressivement : “Non mais ta gueule, je vais de démonter ta gueule“. Mikaël Lefrançois demande à récupérer son téléphone. Hochard lui répond : “Tu vas te le mettre dans ton cul ton appareil“.
Réaction de Dominique Voynet à la vidéo
Ce matin, nous avons montré cette vidéo à Dominique Voynet. Dans son bureau de l’hôtel de ville de Montreuil, la maire a convoqué pour l’occasion son directeur de cabinet Sébastien Maire, sa directrice générale des services Géraldine Germain, et Véronique Bourdais, son adjointe à la Tranquillité publique.
En la visionnant, Dominique Voynet prend des notes des propos de Hochard.
“Cette vidéo est explicite et ces comportements inacceptables en démocratie, c’est évident, commente en première réaction l’ancienne ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Elle appelle des sanctions. La difficulté qu’on a dans cette affaire, c’est que Denis Hochard n’est pas juste une brute épaisse, il y a deux faces chez cet homme. Il a aussi rendu de grand services aux habitants de Montreuil.- Cette seconde face, vous ne la découvrez qu’aujourd’hui ?- On a déjà eu des alertes, certes, et on ne les a jamais négligées.”
Après enquête, ce n’est pas tout à fait ce qui ressort des quatre premières années de mandat de l’élue Verte. La maire de Montreuil a été interpellée personnellement sur les dérives de son shérif local par son propre premier adjoint, par des Roms venus manifester devant la mairie avec des banderoles pointant les agissements des ASVP, par des opposants politiques dénonçant ces dérives publiquement et enfin par un “journal mural” recensant les actions des ASVP.
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