Translate

lundi 28 septembre 2020

Près de Rouen, sa maison est squattée : « Je n’ai pas le droit de les expulser, c’est terrible »


 
Cécile Pigné veut récupérer sa maison squattée à Oissel, près de Rouen (Seine-Maritime), « coûte que coûte ». (©ML/76actu)

Publié le 28 Sep 20  sur actu.fr

Alors qu'elle s'apprêtait à la vendre, sa maison a été squattée à Oissel, près de Rouen. La loi protégeant les occupants des lieux, Cécile Pigné ne peut pas les expulser.

« C’est pire que ce qu’on voit à la télévision », dénonce Cécile Pigné, 50 ans, une habitante de l’agglomération de Rouen (Seine-Maritime). Les larmes aux yeux, cette aide-soignante raconte comment le jeudi 17 septembre 2020, elle a retrouvé la maison de ses grands-parents, dont elle avait hérité neuf ans auparavant, occupée par des inconnus, à Oissel.

« Ce sont des voisins qui m’ont appelée. Ils m’ont demandé si j’avais bien vendu ma maison car il y a avait des personnes qui étaient en train de couper tous les arbres sur le terrain et de faire des travaux à l’intérieur… »

« Il n’y avait plus rien, pas même une cuillère ! »

Cécile Pigné s’est alors rendue directement sur les lieux et a constaté les dégâts avec stupeur :

Ils avaient coupé tous les arbres, ils avaient cassé les meubles de mes grands-parents qui étaient des belles antiquités… Ils avaient tout vidé, ma chambre d’enfant, ma collection de poupées… Il ne restait plus rien, même pas une cuillère. Je ne sais pas où tout est parti, ils ont certainement tout vendu ! 

Paniquée, elle a appelé directement la police qui est venue sur place. « Mais ils n’ont rien pu faire car les squatteurs avaient ouvert des compteurs d’eau et d’électricité plus de 48 heures avant que je les prévienne… Et la loi les protège.

Je les voyais détruire les meubles devant mes yeux mais je ne pouvais rien faire. Il fallait que je parte, que la police s’en aille. Ils sont désormais chez eux. Je n’ai pas le droit de les expulser, c’est terrible. »

Cécile Pigné a même vu défiler des artisans dans sa maison. « Ils ont fait venir des peintres, ils ont enlevé toute la tapisserie, mis du carrelage… C’est incroyable. » Elle n’a pas pu porter plainte contre le squat « car ils sont désormais chez eux ». « Mais j’ai porté plainte pour dégradations et violation de domicile car ils sont entrés par effraction et ça se voit. »

Cécile Pigné déplore que de nombreux arbres aient été coupés sur le terrain de sa maison, 14 rue des écoles à Oissel.
 
Cécile Pigné déplore que de nombreux arbres aient été coupés sur le terrain de sa maison à Oissel. (©ML/76actu)

La maison de son enfance

Cécile Pigné ne vit pas au quotidien dans cette maison. Elle vit avec sa famille dans une autre ville de l’agglomération de Rouen. Mais cette maison a vu grandir la quinquagénaire à partir de ses neuf ans, « j’ai été élevée par mes grands-parents ». Lorsque sa grand-mère décède, il y a neuf ans, l’aide-soignante hérite pour moitié de cette maison. « L’autre moitié appartient à ma mère. La maison a été vide pendant neuf ans car c’était un héritage compliqué. »

Cécile Pigné voulait vendre, pas sa mère. « Mais elle va être placée sous tutelle pour des raisons de santé, je comptais donc mettre en vente en décembre 2020, explique-t-elle. Mais là, je ne sais pas ce qu’il va se passer… »

Quelques jours plus tard après avoir constaté le squat, Cécile Pigné a appelé un huissier de justice, qui est venu sur place. C’est là que la propriétaire a compris qu’elle rentrait dans les méandres de l’institution judiciaire. « Que ce soit les policiers et l’huissier, tout le monde a été très gentil avec moi. Ils m’ont tous dit que j’allais gagner mais qu’il fallait être patiente, que tout était question de temps. »

L’aide-soignante essaie de garder son calme mais perturbée, elle s’est mise en arrêt de travail pendant 15 jours. « J’ai quand même un peu de mal à dormir la nuit avec tout ça. »

Dans l’attente de la décision du tribunal

Il faudra donc certainement plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour que le tribunal d’instance traite l’affaire de Cécile Pigné. « J’aurai aussi un dossier au pénal pour les dégradations », souffle-t-elle. La quinquagénaire va devoir contracter un emprunt de 2 000 euros pour avancer les frais de justice, que ce soit pour l’huissier ou l’avocat. 

« Je compte récupérer ma maison coûte que coûte, quoiqu’il arrive, martèle Cécile Pigné avec vigueur. C’est inadmissible qu’on puisse s’installer chez les gens comme ça, que l’on puisse ouvrir des compteurs en ligne, comme ça, sans papiers, ni rien… »

De son côté, Étienne Lejeune, avocat au barreau du Havre (Seine-Maritime) conseille à Cécile Pigné de ne surtout pas se débarrasser elle-même des squatteurs. « Pour les résidences secondaires, au-delà des 48 heures de présence dans le logement, cela devient de facto le domicile des occupants. Et si vous les expulsez vous-mêmes, vous risquez plus gros que les squatteurs », assure-t-il.

Un amendement pour faire évoluer la loi

Étienne Lejeune rappelle que cette règle n’est pas la même pour les résidences principales, squattées pendant des vacances par exemple. « Dans le cas des résidences principales, il y a une protection absolue, il n’y a pas cette exigence de 48 heures. »

Mais pour les résidences secondaires, la loi pourrait changer prochainement. La ministre en charge du Logement, Emmanuelle Wargon, a soutenu, lundi 14 septembre 2020 un amendement sur le projet de loi sur l’Accélération et de simplification de l’action publique « visant à faciliter l’expulsion de squatteurs », indique Étienne Lejeune.

Cet amendement permettrait, si on peut prouver l’effraction, ce qui n’est pas toujours facile, de porter plainte à la police et d’interpeller le préfet, qui aura 48 heures pour vous répondre. Et au bout de 48 heures, s’il le décide, c’est le préfet lui-même qui ordonnera l’expulsion.

L’amendement n’étant encore adopté, Cécile Pigné devra attendre la décision du tribunal. La propriétaire a tout de même interpellé le représentant de l’État seinomarin et espère que les choses vont bouger rapidement, « avant qu’ils ne détruisent tout ».

« Regardez ces beaux fauteuils qu’ils utilisent comme des chaises de jardin, ils les laissent sous la pluie… », se désole Cécile Pigné, les yeux humides de colère et d’émotion.

Lire aussi : À Rouen, la police expulse les migrants et militants du Hameau des brouettes

 "Des fauteuils de grande qualité sont laissés dehors, sous la pluie", déplore Cécile Pigné.« Des fauteuils de grande qualité sont laissés dehors, sous la pluie », déplore Cécile Pigné. (©ML/76actu) 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.