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lundi 21 septembre 2020

Erdoğan : une bonne tête de Turc pour Macron



 
 
 
Macron a décidé de se refaire… une santé sur la scène internationale. 
 
C’est une année « de Gaulle » et le voilà parti, aux dires de certains, sur le chemin de la troisième voie : ni Moscou, ni Washington, mais en première ligne en Méditerranée orientale, au Liban et aux côtés de la Grèce face à sa tête de Turc : Erdoğan.

Le président turc est si antipathique que s’attaquer à lui peut susciter l’adhésion d’électeurs « de droite » que Macron rêve de séduire d’ici 2022. Cette posture n’a pas la clarté de celle de Sarkozy qui avait choisi l’Amérique en participant au prétendu printemps arabe de l’ère Obama avec une intervention aux conséquences catastrophiques en Libye et une condamnation du président syrien. La France jouait les atlantistes appliqués et se trouvait en compagnie douteuse d’Erdoğan et du Qatar, c’est-à-dire des Frères musulmans, le visage caché de la « révolution » arabe.

Les Turcs dirigés par un Frère musulman étaient bien à l’œuvre dans le renversement des dictatures laïques arabes, avec plus ou moins le soutien des monarchies du Golfe, sunnites et réputées salafistes. En Syrie, ils soutenaient la rébellion de l’autre côté de la frontière, par fraternité religieuse et intérêt national, avec la bénédiction des Occidentaux qui, eux, croyaient qu’il était question de démocratie… En Face, il y avait les affreux : les Russes et les Iraniens. Sauf que le soutien larvé d’Ankara à l’État islamique de même que l’âpreté de la répression après un coup d’État manqué ont jeté bas les masques. Mais, en Syrie, un processus de paix semblait s’instaurer à Astana avec une entente inattendue entre Russes et Turcs. Depuis, c’est la confusion : Bachar contrôle 70 % du territoire mais les Turcs occupent le nord au détriment des Kurdes et protègent le dernier bastion rebelle d’Idlib.

Les Américains annoncent leur départ mais empêchent toujours l’armée syrienne de reprendre possession des puits de pétrole laissés aux Kurdes à l’est de l’Euphrate. Cette pression américaine vise plus les Iraniens que les Russes. Il s’agit d’interdire la constitution du croissant chiite qui atteindrait la Méditerranée au Liban avec le Hezbollah. Par ailleurs, la Libye revient au premier plan et, cette fois, la Russie est face à la , ce qui est plus logique, mais aux côtés de l’Égypte et des Émirats, voire de l’Arabie saoudite, et même de la France, ce qui l’est moins.

Si Erdoğan s’est contenté de sauver les meubles en Syrie, il vient de marquer un point en Libye en repoussant l’offensive du maréchal Haftar sur Tripoli grâce à l’envoi de miliciens, d’armement en dépit de l’embargo, et à l’installation de deux bases militaires. Il en a profité pour conclure un traité avec le gouvernement libyen qui lui a accordé une délimitation très favorable des zones méditerranéennes, parfaitement contraire aux traités internationaux. Depuis, les frictions avec les autres États riverains, membres de l’Union européenne – la Grèce ou Chypre -, se sont multipliées. La brutalité du style est évidente : Erdoğan dépêche un navire de forage protégé par des vaisseaux de guerre dans les eaux grecques. Michelle Bachelet, le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, interpelle le président turc sur les violations commises par les groupes armés sous le contrôle effectif de la Turquie en Syrie.

Médiatiquement, le président turc devient une bonne cible.

Pour autant, la France a-t-elle les moyens d’une politique aventureuse dans un contexte aussi mouvant ? En Libye, faute d’un soutien suffisant, elle a laissé échapper la chance d’une réunification du territoire qui aurait effacé la sanglante boulette de Sarkozy, dont les conséquences pèsent lourdement sur les soldats français engagés au Sahel. En Syrie, après avoir joué les supplétifs de l’Amérique, elle n’a plus son mot à dire. Elle reprend, heureusement, pied au Liban mais n’a pas encore obtenu la constitution d’un nouveau gouvernement. Enfin, La France a volé au secours de la Grèce au nom de la solidarité européenne qu’elle semble bien seule à défendre. Qu’est devenue la grande partenaire germanique dont on célébrait l’amitié indéfectible, il y a peu ? Elle conserve ses yeux de Chimène pour le vieil allié turc et les millions d’électeurs réputés allemands qu’il contrôle. Le président Trump est en contact permanent avec Erdoğan, de même que ce dernier avec Poutine. Certes, il est beau que la France se batte pour les petits, mais est-elle encore un grand ?

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