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samedi 22 février 2020

Débat sur les retraites : quand la majorité parlementaire s’éloigne de la volonté populaire

 
 

 
Après deux années de supposées négociations, après une année de guérilla des gilets jaunes et après quatre mois de lutte syndicale contre son projet de réforme des retraites, Emmanuel Macron s’apprête à cautionner le pire pour permettre l’aboutissement de la promesse la plus emblématique de sa campagne de 2017.

Pourtant, cela avait plutôt bien fonctionné, au début tout du moins.
« Je ne proposerai pas de modifier, durant le quinquennat à venir, l’âge de départ à la retraite. Mais nous irons vers un système universel de retraite », expliquait le candidat Macron, en mars 2017, nous le rappelle franceinfo (11/2/2020).

À l’arrivée, c’est précisément tout le contraire qui est proposé au peuple français.
Édouard Philippe ne lâchera rien sur l’âge pivot et, globalement, le projet de loi n’accorde nullement un caractère d’universalité au régime général des retraites.
Tout cela ne sent véritablement pas bon pour les futurs retraités concernés qui, de surcroît, sont désarçonnés par le manque de clarté du projet et le flou des analyses proposées par les experts de l’État.
Bref, nous voilà confrontés à un bel imbroglio dans lequel les opposants ne sont pas près de se plier au diktat du gouvernement, lequel, de son côté, ne peut plus rien lâcher sur rien au risque d’un éclatement de sa majorité dans une issue grotesque pour lui.
C’est alors que certains avancent, sans rire et sans crainte, la solution que constituerait le recours à l’article 49.3.
Le 49.3 dispose, dans les faits, que « le Premier ministre peut […] engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote de la loi. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté… »

En gros, le gouvernement peut faire fi de l’opposition parlementaire.
Il peut passer en force pour faire aboutir son dessein, avec l’appui de sa majorité suffisamment large pour ne pas se sentir gêné par la rebuffade de quelques-uns de ses membres soucieux du respect de leur assemblée.
C’est, en fait, une forme de plébiscite qu’Emmanuel Macron rechercherait, en l’occurrence, en s’adressant à sa majorité pour obtenir le blanc-seing.
La différence avec un référendum, c’est que la question de confiance posée aux représentants siégeant au palais Bourbon ne serait pas adressée à son véritable destinataire, c’est-à-dire au peuple. Or, compte tenu de ce que l’on sait de l’état de l’opinion, la seule réponse qui ait la légitimité, c’est celle qui viendrait des Français eux-mêmes.
L’usage du 49.3 n’est pas la règle d’usage habituelle dans notre système législatif.
Mais il a déjà été utilisé quelquefois par des gouvernements de droite et de gauche avec un certain succès.
Ce qui ferait la différence, aujourd’hui, c’est à la fois le contexte social et l’état de l’opinion publique qui s’est sentie, durant ces trois dernière années, le dindon de la farce et l’objet des sarcasmes présidentiels.
Il semblerait qu’un recours au 49.3, pour ce projet de loi, s’il ne déroge nullement à la lettre constitutionnelle, serait une atteinte à son esprit le plus fondamental pour la simple raison que la majorité parlementaire ne correspond plus à la majorité des Français.

Si aucun indicateur institutionnel ne permet de mesurer vraiment cette écart, il serait dangereux, pour Emmanuel Macron, d’ignorer cette lente mais constante dérive de son impact dans le corps électoral.

Jean-Jacques Fifre

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