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vendredi 17 janvier 2020

« La misère, pas la précarité… » L’édito de Charles SANNAT

Mes chères impertinentes, chers impertinents,
 
En cette année 2020, je vous propose que nous nous lancions à corps perdus ou presque, dans la grande bataille des mots et de concepts pour décrire nos maux et reprendre le pouvoir sur la réalité.
 
Les mots imposent implicitement le cadre de réflexion et imposent par conséquence le cadre d’action qui en découle.
Tout ceci est terriblement sérieux.
Le poids de tous ces mots de toutes ces idées est tel, que quand on y réfléchit bien c’en est presque effrayant. Terrifiant.
 
Aujourd’hui nous allons parler du mot précarité.
 
Avant, nous avions les clochards, les nécessiteux ou les miséreux.
Vous avez, nous avons et parfois nous sommes ou devenons des SDF, des précaires.
Nous avons remplacé des mots précis qui désignaient des maux tout aussi clairs, par des concepts fumeux et des initiales froides, sans saveur et sans humanité.
La précarité c’est quoi ?
Selon le dictionnaire est précaire ce « dont l’avenir, la durée, la stabilité ne sont pas assurés »… tu es précaire donc un peu instable.
Rien de bien méchant donc.
La misère c’est quoi ? 
Selon le dictionnaire c’est « un état d’extrême pauvreté, indigence, ou encore un état marqué par une grande insuffisance, un grand manque dans le domaine social, psychologique ».
Cela semble donc terrible. Vous savez pourquoi ?
Parce que la misère est terrible. Pas la précarité.
C’est pour cela que l’on ne parle plus de misère mais de précarité.
Pour effacer les terribles réalités.
Nous allons parler de la précarité donc, mais d’une précarité particulière… celle de la précarité dite énergétique.
Je rappelle, à tout hasard, qu’il y a dans cette édition un article consacré à la création d’un fichier des locataires indélicats qui ne payent pas leur loyer.
Un sujet passionnant digne de déclencher tous les hurlements sociaux de rigueur.
Pourquoi faire ce rappel ?
Car la véritable misère touche peu les villes et même peu les banlieues.
Elle touche peu les locataires figurez-vous qui bénéficient du chauffage central du HLM même si ce dernier ne donne que 18 ou 19° surtout si les canalisations n’ont pas été curées.
La véritable misère est dans les campagnes et dans les zones périurbaines éloignées, là d’où a jailli le mouvement des Gilets Jaunes et qui a surpris tous nos mamamouchis bien au chaud et à l’abri de la ceinture fortifiée que représente le périphérique parisien.
Rempart moderne contre la misère, reléguée au-delà de ces murailles virtuelles et bien réelles.
La « précarité énergétique » touche en réalité des propriétaires pauvres et miséreux, hors logements sociaux et généralement hors des grandes villes et grandes agglomérations.
Cette « précarité énergétique » se rajoute à la « précarité médicale », à la « précarité de la mobilité »…
Et si l’on traduisait ces « précarités » ?
Quelle est la traduction de ces « précarités » ?
Simple.
 
Nous parlons ici des misères que l’on a laissé se développer.
 
Il ne faut pas parler de la précarité énergétique mais de la misère énergétique parce que les gens n’ont plus de quoi se chauffer alors ils caillent.
Il se caillent et tremblent de froid.
Les technocrates n’ont qu’une idée… Interdire les « foyers ouverts » une expression d’imbéciles pour parler de … cheminées. 
Car pour Greta et ses apôtres les cheminées cela pollue.
Pas celles des usines mais celles du gueux qui tremble de froid sous les frimas de l’hiver, heureusement peu rigoureux cette année (grâce au réchauffement ?).
Cela donne ce reportage de France 3 qui, en dehors de la maladresse des mauvais mots pour décrire nos maux, a le mérite de jeter la caméra sur nos miséreux et nos nécessiteux du chauffage.
C’est en Franche-Comté que se passe ce reportage.
Mais cela pourrait être dans mon coin reculé de Normandie, où beaucoup consacrent énormément d’énergie à se procurer du bois pour se chauffer.
On ne parle pas ici de l’acheter mais de le trouver gratuitement parce que l’on ne peut pas le payer.
Vous remarquerez également que l’aide est « privée » et qu’il s’agit de dons.
Je discutais avec le Maire de l’une de nos petites communes du coin.
Il a demandé à ses ouvriers municipaux de ramasser tous les bois de coupes ou de tailles pour les conserver… et les donner aux plus miséreux qui viennent le chercher pour l’hiver, parce que les maires, eux, savent souvent qui a du mal à joindre les deux bouts.
Ils sont nombreux.
Trop nombreux.
 

 
C’est pour cette raison qu’il faut désigner chaque chose par le mot qu’il convient.
Nous ne parlons pad de la précarité.
Nous parlons de la misère qui touche les nôtres.
On ne lutte pas de la même manière contre la précarité que contre la misère.
Il n’y a pas la même urgence à se battre contre la précarité que contre la misère.
La misère n’attend pas. La guerre des mots non plus.
 
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
 
Charles SANNAT

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