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lundi 2 décembre 2019

Amérique Latine en Résistance : Coup d'état en Bolivie

 
 

02 Déc 2019
 Jessica Dos Santos / Ricardo Vaz

 
Editorial: Voici que tombent sur la Bolivie ses nuits les plus noires
 
Dans les quartiers les plus chics de La Paz, l’opposition a Evo Morales était presque unanime.

Les cloches des églises appelaient aux rassemblements et aux manifestations chaque soir à 21 heures.
Et lorsque le haut commandement militaire « suggéra » la démission du président (qui venait d’être réélu), dans les quartiers sud de La Paz, des centaines de personnes firent retentir leurs klaxons en guise de grande allégresse.
Quelque temps auparavant, la police, en rébellion, avait mis fin à son devoir sacré de faire respecter l’ordre public et laissait ainsi le champ libre aux foules d’opposants qui attaquaient les bâtiments publics et mettaient le feu aux domiciles des leaders du MAS.
Et, la persécution contre Evo Morales a pris de plus en plus d’ampleur.
Finalement, le président démissionne et accepte de demander l’asile politique au Mexique.
« Il n’a même pas son portefeuille » telle fut la réponse de Marcelo Ebrard, le ministre des affaires étrangères mexicain, à un journaliste qui l’interrogeait sur les biens que le leader bolivien avait sur lui à son arrivée dans le pays aztèque.
Après le départ d’Evo Morales, la sénatrice Jeanine Añez s’est autoproclamée présidente par intérim de la Bolivie, pour la durée d’une législature, sans quorum, et les manifestations, principalement des mouvements indigènes, ont commencé à emplir les rues du pays.
El Alto, principal bastion Aymara de la Bolivie, est devenu, ces derniers jours, le principal lieu d’expression de la volonté de s’opposer au coup d’Etat et aux atteintes portées contre les symboles indiens.
Y compris la wiphala, ce drapeau reconnu comme le symbole de la patrie bolivienne sous le premier mandat d’Evo Morales.
Mais le peuple bolivien s’est aussi soulevé dans d’autres régions et la répression ne s’est pas fait attendre.
Durant une de ces manifestations, dans la zone de Chaparde, dans le département de Cochabamba, région qui cultive principalement la coca, les militaires ont assassiné 9 manifestants et ont fait des centaines de blessés.
Sur les images rapportées par les très rares médias qui ont rendu compte des faits, on voit les cadavres recouverts de frazadas, ces traditionnelles couvertures indiennes.
On y voit une femme indienne, vêtue de sa typique jupe, la pollera, s’écrouler en pleurs sur le cadavre se son fils : « Réveille-toi mon petit. Réveille-toi ; dis-moi que tu es en train de dormir » …
Et pourtant, à la suite de tels évènements, Añez a signé un décret qui exonère totalement de toute responsabilité pénale les militaires déployés face aux manifestants.
« Les personnels des Forces Armées qui seront engagés dans les opérations de maintien de l’ordre à l’intérieur et de la stabilité publique seront exempts de responsabilité pénale ». Tel est l’article 3 du décret N° 4078.
Son entourage assure que ce n’est pas « octroyer licence de tuer », mais la décision sème l’inquiétude dans tous les organismes internationaux.
La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme, (CIDH), un organisme dépendant de l’OEA, l’a condamnée fermement.
«Ce grave décret bafoue les critères internationaux qui définissent les droits de l’Homme et encourage la répression violente » sont les termes de la condamnation faite au nom de la Commission.
Et les massacres ne se sont pas fait attendre.
A Venkata, dans le quartier de El Alto, la police a chargé la foule qui manifestait et bloquait les installations de la compagnie pétrolière YFPB.
Des témoins affirment que la police mitraillait à partir de ses hélicoptères.
Bilan : 9 morts et plus de 20 blessés.
Mais pas même les morts n’échappent à la répression.
Un cortège de manifestants parti de El Alto et qui se dirigeait vers La Paz, portant en tête les cercueils des victimes du massacre de Senkata et réclamant justice, a été réprimé par la police lorsqu’il s’est approché du centre de la capitale.
Les cercueils sont restés abandonnés en pleine rue après la dispersion des manifestants sous les balles et les grenades lacrymogènes.
A ce jour, on compte déjà 30 morts depuis le coup d’Etat.
Le gouvernement de Jeanine Añez, supposé être provisoire, n’a pas perdu de temps pour prendre des décisions de grande portée politique.
Par exemple : le pays a rompu ses relations diplomatiques avec le Venezuela et a confirmé sa sortie de l’Alliance Bolivarienne pour les Peuples de Notre Amérique, (ALBA).
Mais la question de procéder à des élections dans un délai de 90 jours apparaît moins clairement.

Ce gouvernement autoproclamé a été reconnu par les États-Unis et reçoit le soutien des États-Unis et de ses alliés régionaux et ces derniers, tout autant que les pays qui condamnent le coup d’Etat, appuient la décision de procéder à des élections dans un bref délai.
De son côté, Añez aborde la question en insistant sur ce fait : les élections auront lieu « sans Evo Morales ni García Linera ».
En fait, Añez a prévenu que si Evo Morales rentre en Bolivie il sera jugé « pour fraude électorale ».
Les leaders du coup d’Etat comprennent bien qu’ils ont besoin d’une légitimité au moyen d’élections et ils cherchent comment y parvenir dans les conditions le plus confortables.
Et c’est pourquoi sont mis en marche des scénarios de persécutions, au sens propre ou sur le plan juridique, envers des leaders sociaux et politiques du MAS, tout en recherchant le dialogue et la négociation avec les corporations et associations les plus modérées.
Par ailleurs, les manifestations continuent pour refuser le coup d’Etat et les attaques contre la dignité indienne et pour exiger le départ de la junte autoproclamée.
Aux exigences des premiers jours s’ajoutent maintenant les réclamations de justice après les successifs massacres de manifestants commis par les forces de police.

Il faudra voir si ce bloc d’opposition parvient à rassembler assez de forces pour empêcher que le coup d’Etat obtienne sa légitimité et pour mettre fin à la répression.

investigaction

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