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dimanche 13 janvier 2019

Emmanuel Macron, Christophe Castaner : les agitateurs du vendredi soir







On reste pantois devant l’attitude du pouvoir face aux gilets jaunes.
 

Deux mois après, les mêmes dirigeants usent des mêmes ressorts : intimidation, culpabilisation.
Du haut de leur donjon assiégé, ils balancent toujours de l’huile sur les feux de palette.
À ce stade, à la veille d’un acte IX dont ils savent qu’il sera puissant, on ne peut plus parler d’aveuglement ou d’inconscience.
Emmanuel Macron a délibérément choisi la montée de la tension.
C’est inquiétant.
On ne voit pas très bien ce qu’il cherche, quel hypothétique retournement de l’opinion il pourrait ainsi espérer.
Les drames sont déjà trop nombreux, toutes ces photos de mutilés, tous ces signalements du journaliste indépendant David Dufresne l’attestent : le mal est fait.
Et les Français demanderont des comptes à leurs gouvernants.
On sent bien que les choses ne s’arrêteront qu’avec leur départ et un changement d’équipe et de gouvernance.
On a comme l’impression que la stratégie du pouvoir, qui ressemble de plus en plus à un groupe de desperados, ne cherche qu’à hâter ce départ.
Ainsi Emmanuel Macron, lors de la traditionnelle galette des rois de l’Élysée, recevant les boulangers, a-t-il fait l’éloge de leur métier et du « sens de l’effort ».
Il avait là l’occasion de s’adresser à la France des gilets jaunes, de quitter sa posture martiale, d’entrer vraiment dans l’empathie avec cette France que les boulangers symbolisent si bien.
Mais sa sortie ambiguë a eu l’effet contraire :
« Notre jeunesse a besoin qu’on lui enseigne un métier, des gestes, des savoirs, le sens de l’effort et le sens de cet engagement qui fait qu’on n’a rien dans la vie s’il n’y a pas cet effort. Les troubles que notre société traverse sont aussi parfois dus, liés au fait que beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu’on peut obtenir sans que cet effort soit apporté, que parfois on a trop souvent oublié qu’à côté des droits de chacun dans la République […] il y a des devoirs. »
On aurait applaudi des deux mains si le Président avait embrayé en disant que c’était, justement, l’une des revendications majeures des gilets jaunes et qu’il la comprenait.
Mais non : les « troubles » actuels causés par les gilets jaunes seraient, pour lui, le fait de ces gens qui ne pensent qu’à leurs droits…
Or, la France des gilets jaunes, c’est justement celle qui a explosé en ne voyant s’abattre sur elle que des devoirs et de moins en moins de droits, jusqu’au droit élémentaire de vivre de son travail et de s’exprimer.
En faisant cette leçon des droits et des devoirs à cette France-là et dans ce moment historique-là, Emmanuel Macron s’est, une fois de plus, fourvoyé.
Le kaïros n’était vraiment pas le bon…
Tout comme pour son ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui a publié une vidéo stupéfiante où il énonce le nouveau syllogisme de la complicité, une trouvaille juridique de dingue qu’il a chipée à sa collègue Marlène Schiappa au sujet des cagnottes.
Les manifestants de samedi « savent qu’il y aura de la violence » et ont donc « leur part de responsabilité », « ceux qui viennent manifester dans des villes où il y a de la casse qui est annoncée savent qu’ils seront complices de ces manifestations-là ».
C’est même pire : c’est la complicité par anticipation d’actes qui n’ont pas eu lieu et dont vous n’avez même pas idée !
Mais une question m’effleure l’esprit : si M. Castaner, qui doit être bien informé, sait qu’il y aura des violences dans certains endroits, peut-être pourrait-il envoyer ses services s’assurer que les Black Blocs et quelques autres restent bien au chaud samedi, comme le préconisait Xavier Raufer en nous révélant que la préfecture de police disposait d’un fichier de cette confrérie ?
Car, avec sa conception très extensible de la complicité, on pourrait un jour – qui sait ? – le prendre, lui aussi, pour un « complice ».
Complices ? Complices aussi, les 60 % de Français qui soutiennent encore les gilets jaunes ?
Quant à ceux qui ont, en toute bonne foi, voté pour cette majorité, se sentent-ils « complices » de cette situation, des morts, des blessés, des mutilés ?
Je crois qu’ils ne se sentent même plus solidaires de gouvernants qui profèrent de telles énormités et favorisent l’escalade.

Quand un pouvoir en est réduit à s’abaisser à ce niveau, on ne peut qu’être inquiet pour lui et, s’il persistait dans cette impasse, pour les Français.

Pascal Célérier

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