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mercredi 12 décembre 2018

Emmanuel Macron viendra-t-il au chevet de Fiorina ?

 
 


Christophe Castaner et Emmanuel Macron sont satisfaits.

Ils ont chaudement félicité les forces de l’ordre de leur professionnalisme.
Entre arrestations préventives, fouilles et répression, la manif de samedi a été plutôt « moins pire » que ce qu’ils imaginaient.
Passons, bien sûr, sur les dégâts collatéraux, les accidents fâcheux et la malchance de ceux qui étaient là au mauvais endroit au mauvais moment…
Fiorina, 20 ans, étudiante en philosophie à Amiens, qui manifestait pour la première fois, a perdu un œil.
L’hôpital Cochin puis la Salpêtrière n’ont rien pu faire.
On devra lui mettre une prothèse.
Jacob, son petit ami, raconte à Boulevard Voltaire :

« Nous avons voulons quitter les Champs-Élysées vers midi mais les forces de l’ordre nous en ont empêchés, ils nous ont dit qu’ils avaient des ordres. Vers 14 heures, un mélange de pillards et de casseurs se sont attaqués au Drugstore Publicis. On a couru de l’autre côté, à l’opposé des casseurs. Fiorina était contre un mur quand elle a reçu un projectile en provenance des forces de l’ordre. Elle est tombée et les gens autour, affolés, leur ont crié d’arrêter de tirer. »

Des images montrant la jeune fille au sol ensanglanté et prise en charge par un secouriste circulent depuis samedi sur la Toile.
Jacob est-il sûr que le tir venait des policiers et non des manifestants eux-mêmes ?
Certain. Fiorina les regardait lorsqu’elle a été atteinte.
Flash Ball® ou grenade, en revanche, il ne sait pas ; l’enquête le déterminera.
D’autres, à ce moment, ont-ils été blessés ?
Non, il n’en a pas vu.
Mais quand ils sont arrivés à Cochin, deux manifestants qui avaient reçu en pleine tête des tirs de Flash Ball® étaient aussi là.
Et quand il s’est rendu à l’IGPN, un photographe disait avoir été visé alors qu’il était allongé à terre.
Depuis plusieurs jours, une grande vague de solidarité s’est levée, avec une cagnotte Leetchi dont le montant ne cesse de grimper, pour ceux qui souhaitent lui manifester concrètement leur soutien.
Mais d’écho dans les grands médias nationaux, point.
Pour le moment, en tout cas.
D’interrogations sur le bien-fondé des consignes données aux forces de l’ordre – faire des Champs-Élysées une nasse infranchissable, retirer aux manifestants, en les fouillant, jusqu’aux lunettes de protection qu’ils avaient emportées… mais quel mal pouvaient-ils faire avec cela ? -, point encore.
De questions sur les cibles de la répression – comment tant de pillards ont-ils pu sévir quand de pacifiques manifestants comme Jacob et Fiorina étaient coincés sur les Champs-Élysées ? -, point non plus.
Tout le monde est satisfait, on vous dit.
On ne peut s’empêcher d’imaginer le procès en sorcellerie par la gauche réunie si, en lieu et place d’Emmanuel Macron, il y avait eu Nicolas Sarkozy…
Bien sûr, il faut laisser la Justice faire son travail – l’IGPN a été saisie.
Sans doute, il serait malhonnête d’adopter à l’endroit des forces de l’ordre ces méthodes de dénigrement que l’on n’a de cesse de dénoncer chez les autres.
Naturellement, nous n’avons pas tous les éléments, et ce n’est pas à nous d’instruire le dossier ni de condamner.
Pourtant. Comment ne pas faire de comparaison avec l’affaire Théo…
Va-t-on lire dans les colonnes de Libé une lettre ouverte signée d’une dizaine de personnalités appelant à se mobiliser contre les violences policières après l’affaire « Fiorina » ?
Y aura-t-il une marche pour Fiorina à Amiens comme il y a eu une marche pour Théo à Aulnay-sous-Bois, couverte en temps réel par tous les médias ?
Emmanuel Macron viendra-t-il lui-même au chevet de Fiorina ?
Ou ne se passera-t-il rien de tout cela car Fiorina n’est qu’une enfant de cette France périphérique qu’on n’entend pas, à la fois parce qu’elle ne fait pas de bruit et parce qu’elle n’intéresse pas ?
Quand Christophe Guilluy parle de « relégation », il ne s’agit pas seulement de relégation géographique, mais aussi de relégation médiatique, de relégation empathique.

Que voulez-vous, cette France-là, on ne l’aime pas et l’amour ne se commande pas, n’est-ce pas ?

Gabrielle Cluzel

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