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dimanche 16 décembre 2018

Acte V : moins de monde, mais l’incendie a pris et on est loin du dénouement

 
 


 
Le féru de littérature qu’est Emmanuel Macron peut espérer qu’avec cet acte V, la tragédie des gilets jaunes est terminée.
 

N’est-il pas intervenu, lundi soir, tel un deus ex machina tombé de l’Olympe, pour apporter la clef du dénouement ?
Christophe Castaner, qui passe ses journées en travelling permanent en train de saluer des policiers et des CRS, peut aussi lui fournir les chiffres : nettement moins de manifestants.
La scène semble se vider.
Et l’on sent le pouvoir pressé de tourner la page.
Marlène Schiappa piaffe dans les coulisses avec impatience pour reprendre le cours normal du quinquennat.
N’est-il pas temps de parler PMA pour lancer la tendance des discussions du réveillon ?
Le pouvoir se trompe.
Cette révolution n’obéit ni aux règles de la tragédie classique ni au fonctionnement d’un mouvement social traditionnel.
C’était vrai pour ses origines et son explosion, en dehors de tout cadre politique ou syndical ; ça l’est aussi pour sa phase de conclusion.
Certes, la mobilisation est en nette décrue, notamment à Paris.
Mais c’était attendu.
Annonces du Président, consignes de leaders appelant à ne pas aller à Paris, coût du voyage, contrôles dissuasifs, conscience de l’épuisement des forces de l’ordre ont freiné les ardeurs.
Mais le plus étonnant, et qui devrait inquiéter le pouvoir, c’est que, malgré tout cela, il y ait encore un mouvement, des manifestations et, aussi, des heurts, une réelle tension, comme on a pu le voir à Bordeaux, à Besançon, à Nantes mais aussi à Paris.
Alors, pourquoi la persistance de ce mouvement ?
Une seule explication : c’est une révolution, et pas seulement un mouvement social.
Or, Emmanuel Macron ne peut ou ne veut le comprendre et ne l’a pas traitée depuis le début comme telle.
À une exception près : la répression, qui ressemble bien à celle que les pouvoirs menacés réservent aux contestations sérieuses.
L’Histoire retiendra qu’en décembre 2018, les centres-villes de Bordeaux et de Toulouse étaient noyés sous les gaz lacrymogènes, et certaines rues, comme la rue de Metz à Toulouse, interdites par des blindés de la gendarmerie.
Des images, une atmosphère…
Révolution, ce mouvement l’est par l’ampleur des revendications, de la remise en cause demandées. Il l’est aussi par sa dispersion sur tout le territoire et son fort ancrage provincial.
Il l’est encore par sa violence, verbale et physique, comme on a encore pu le voir ce samedi.
Il l’est, enfin et surtout, par son émanation véritablement populaire.
Que ceux qui ne l’ont pas encore compris lisent le reportage de Florence Aubenas dans Le Monde ou l’édito de Didier Maïsto, « Je suis vulgaire comme un gilet jaune », sur Lyon Capitale.
Les mesures de lundi ne pouvaient l’éteindre car elles faisaient l’impasse sur un aspect fondamental de la révolte : sa dimension politique.
Cela a été dit et redit : Emmanuel Macron était la seule cible de ce mouvement.
Or, le Président n’a accordé aucune réponse politique.
Il a parlé argent, répondant en partie aux réelles angoisses de fins de mois.
On constate que cette dimension politique s’exacerbe et se focalise sur le « référendum d’initiative citoyenne », ce fameux RIC que tous les gilets jaunes ont à la bouche.
Emmanuel Macron traite cette révolution avec sa grille de lecture de banquier : il pense et parle RIB. Les gilets jaunes lui répondent RIC.
En éludant, pour l’instant, cette composante de la révolte, il prend le risque de la laisser prospérer à feu doux et s’expose à devoir lâcher politiquement, un jour, beaucoup plus que s’il avait concédé une initiative politique (référendum, dissolution, changement de Premier ministre).
Il croira avoir éteint l’incendie.
Il continuera de couver.
Un ancien président de la République vient de livrer son analyse :
« Il y a un mouvement qui a duré déjà longtemps et qui doit trouver, je pense, son dénouement, et c’est ce que beaucoup espèrent, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas dans l’avenir, s’il y a d’autres raisons, des mouvements qui se lèveront. […] Maintenant, il y a d’autres frustrations, d’autres colères. »
Pour une fois, François Hollande a vu juste.
Quelle humiliation supplémentaire pour Emmanuel Macron…

Pascal Célérier

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