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vendredi 15 juin 2018

Victime de Daech, Maheeda, 14 ans, réapprend à faire confiance aux adultes



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Jablines, dimanche 10 juin 2018. Maheeda, 14 ans, est tombée entre les mains de l’État islamique à l’âge de dix ans./LP/Philippe de Poulpiquet

Guénaèle Calant
14 juin 2018
  
 
Vingt-quatre enfants irakiens, chrétiens d’Orient et Yézidis, victimes de l’État islamique, participent à un séjour thérapeutique à l’île de loisirs de Jablines-Annet (Seine-et-Marne), durant une semaine. Parmi eux, Maheeda, une adolescente yézidie.
 
Son sourire est lumineux, son regard franc, sa compagnie attachante.
« Je comptais les jours avant de prendre l’avion. Je sais que je vais faire du sport, des activités, voir des chevaux et rencontrer les enfants d’une école », confie Maheeda, frêle Irakienne de 14 ans, via un interprète en langue kurde.
Depuis dimanche, elle participe à un séjour thérapeutique pris en charge par le conseil régional d’Île-de-France à l’île de loisirs de Jablines-Annet, en Seine-et-Marne, aux côtés de 23 autres enfants, pas tout à fait comme les autres.
Ces filles et garçons, âgés d’une dizaine d’années, sont des Yézidis et des chrétiens d’Orient, victimes de l’État islamique.
Pendant plusieurs années, ils ont été torturés ou violés.
 
En arrivant sur la base de loisirs, Maheeda a été impressionnée « par la nature et les arbres ».
« Ce n’est pas comme chez moi. »
Alors qu’elle s’apprête à faire du poney, elle confie être « déjà montée sur un cheval… quand [elle] étai [t] prisonnière de l’État islamique ».


Derrière cette envie de vivre comme les enfants de son âge, se dissimulent des souvenirs épouvantables.
Élise Boghossian, la fondatrice et présidente de l’association EliseCare, qui a organisé ce voyage exceptionnel avec l’aide du conseil régional, connaît bien Maheeda.
 « Je l’ai rencontrée en février dernier, dans un camp de déplacés situé au nord de l’Irak, où elle vit avec un oncle. »

La fillette va être vendue plusieurs fois
Maheeda n’a plus ni ses parents, ni ses sœurs.
C’est en août 2014 que son destin a basculé, lorsque les troupes de l’État islamique ont fondu sur Sinjar, une ville située dans le nord-ouest de l’Irak, haut lieu de la religion yézidie.
Une communauté cible d’une destruction systématique de la part des combattants de Daech.
Les hommes étaient massacrés, les femmes et les enfants triés puis vendus.
« Maheeda et sa mère se sont retrouvées dans un gymnase, à Tal Afar.
C’était un marché aux esclaves.
Elles étaient nues, dans une cage », raconte pudiquement Élise Boghossian, en détournant les yeux, la voix basse.
Maheeda est âgée de 10 ans quand elle est séparée de sa mère, qu’elle ne reverra jamais.
La fillette sera vendue, plusieurs fois.
Elle passera entre les mains d’un Saoudien, d’un Irakien, d’un Syrien.
Elle sera violée, battue, mutilée.
« Elle a dû se convertir à l’islam. Elle devait réciter des sourates du coran, sinon elle était battue à coups de câbles électriques. »

«Des fantômes suicidaires»
La délivrance n’arrivera que l’an dernier, lorsque la ville de Mossoul est libérée par la coalition internationale.
Maheeda est alors récupérée par les Peshmergas kurdes.
« Elle a dû transiter par des camps de triage, pour vérifier qu’elle était bien une victime », précise la présidente d’EliseCare.
Car si les femmes et les filles servaient d’esclaves sexuelles, les petits garçons -comme ceux qui sont accueillis à Jablines durant une semaine- étaient destinés à devenir des enfants-soldats.
Tous ont subi un lavage de cerveau.
« Quand nous récupérons ces enfants, ce sont des fantômes suicidaires, incapables de dire un mot.
Ils souffrent d’hallucinations, de terreurs nocturnes, de troubles du comportement, ils font pipi sur eux quand ils voient un homme », détaille l’acupunctrice qui se partage entre son cabinet parisien et le Kurdistan irakien, où elle soigne des réfugiés.
Animée par sa volonté de changer leur destin.

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Élise Boghossian, présidente de l’association EliseCare./Philippe de Poulpiquet

Leur séjour en région parisienne s’inscrit dans un projet thérapeutique à long terme, l’objectif premier étant de rétablir la confiance avec les adultes.
Pour que les enfants ne prennent pas les armes à leur tour.
Durant une semaine, le groupe participera à des activités ludiques mais également à des séances d’équithérapie, une thérapie qui utilise le cheval comme partenaire.
Les enfants sont arrivés dimanche en France avec trois psychologues irakiens qui les suivent.
 « Je n’ai pas peur de la fin du séjour, j’ai confiance. Ils seront aussi contents de rentrer dans leur pays », assure l’une d’elles.

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Yézidis. Les Yézidis appartiennent ethniquement au peuple kurde.
Alors que ce dernier est très majoritairement musulman sunnite, les Yézidis pratiquent un culte minoritaire monothéiste, issu de vieilles croyances kurdes, fortement influencé par une ancienne religion monothéiste iranienne, le mithraïsme, très populaire chez les soldats de l’empire romain avant d’être éradiqué par le christianisme.
Les Yézidis seraient au nombre de 800 000, dont 600 000 au Kurdistan irakien.
Ils ont été la cible d’une véritable tentative de génocide par l’État islamique.

.leparisien.fr

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