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lundi 17 juillet 2017

Emmanuel Macron : « Chef » ou « petit chef » ?



 
 
Emmanuel Macron fraîchement élu Président de la République, dans des conditions sur lesquelles il faudra quand même un jour se pencher en détail, a décidé de commencer son mandat avec des méthodes « managériales » nous dit-on.

L’arrivée aux plus hautes fonctions du jeune homme a plongé une grande majorité de Français dans une forme d’expectative circonspecte.
Récemment sorti d’un chapeau par les médias, bénéficiant du double appui de la haute fonction publique d’État et de l’oligarchie financière, ce n’est pas sa campagne électorale marquée par le creux parfois abyssal de ses interventions qui les a renseignés.
Et nous sommes nombreux à nous poser la question simple : « qui est ce gars ? ».
La candidature Macron a bénéficié de trois circonstances qui ont transformé ce qui n’était au départ qu’un pari en martingale gagnante.
Tout d’abord l’effondrement imprévu des deux grands partis d’alternance qui structuraient la vie politique en France depuis près de 40 ans.
Il est plus facile de raconter l’histoire quand on connaît la fin, mais je me rappelle parfaitement qu’après nous avoir promis Alain Juppé pendant deux ans, on nous assurait François Fillon dans un fauteuil. Quant au PS à 6 %, ce n’était même pas en rêve…
Ensuite le face-à-face avec Marine Le Pen au deuxième tour c’était la victoire assurée.
Emmanuel Macron y est parvenu grâce à la mobilisation de la justice pénale contre Fillon.
Puis en recueillant 18 % des électeurs inscrits, avec un vote d’adhésion estimée à 4 % des mêmes inscrits.
Enfin, la sécession d’une part considérable des Français, refusant de continuer à marcher dans ce qui leur apparaissait de plus en plus comme une combine a permis l’arrivée d’une chambre improbable. L’inconsistance politique des gouvernements Philippe, ne nous en a pas dit plus.
Personne n’ayant remis en cause, alors qu’il y aurait beaucoup à dire, la régularité juridique de l’accession d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République, sa légitimité institutionnelle est une réalité.
Mais la désaffection massive des électeurs français, fragilise cependant sévèrement sa légitimité politique.
Pourtant indispensable pour faire tourner la boutique.
Plusieurs épisodes viennent de nous montrer qu’il a un problème avec l’appareil d’État.
J’entends par « appareil d’État » les différentes institutions qui le composent : Parlement, justice, armée, police, éducation , collectivités locales, tout ce que le gouvernement est précisément chargé de gérer.
Pour y affirmer sa légitimité qui aura pour conséquence son autorité, Emmanuel Macron souffre de plusieurs handicaps.
Le premier est celui d’une culture politique semble-t-il assez faible.
La politique, continuation de la guerre par d’autres moyens, toute de contradictions et de conflictualité, il n’a jamais pratiqué. Jamais été élu, jamais vraiment dirigé des hommes, jamais commandé, jamais arbitré.
D’abord chez les jésuites, puis bon élève des classes préparatoires, coopté à l’ENA, rapidement repéré par la caste des hauts fonctionnaires d’État surtout soucieuse de son confort et de sa reproduction, il sera banquier quelque temps, avant que d’être choisi par cette caste, adoubé par l’oligarchie financière, et encensé par une presse aux ordres.
Pour faire la même politique lourdement austéritaire voulu par l’Europe allemande.
Le second est celui de la croyance en une forme de pensée magique qui lui fait croire qu’une bonne communication permet de tout régler.

Outre qu’elle est en général approximative, cette communication présente le défaut majeur de prendre les gens pour des imbéciles.

Quoique beaucoup en pensent, Emmanuel Macron n’a pas été élu président de la république grâce à sa communication, mais malgré celle-ci.
Prendre avec une désinvolture arrogante la position qui a été la sienne à propos de la responsabilité de la France dans le crime de la rafle du Vel’ d’Hiv’, témoigne d’un singulier aveuglement.
Une majorité de Français supporte de plus en plus mal tous ces appels à la haine de soi et à la repentance.
Le troisième, qui fournit réponse à la question précédente, est probablement le narcissisme débridé qu’affiche le couple Macron.
Donnant avec une certaine ingénuité l’impression d’une joie enfantine devant un jouet magnifique reçu au pied de l’arbre de Noël.
Madame Macron est manifestement quelqu’un de très sympathique, à la gaieté communicative, mais ne doit pas écouter souvent le chef du protocole de l’Élysée.
Elle et son mari ont dû oublier Charles De Gaulle et ses deux conseils majeurs : « L’autorité ne va pas sans prestige, ni le prestige sans éloignement. » Et « Rien ne rehausse l’autorité mieux que le silence, splendeur des forts et refuge des faibles. »
Il y a désormais un autre problème qui saute aux yeux.
Le jeune monarque à la « pensée complexe » affirmée semble avoir une difficulté avec le système complexe qu’est l’État français moderne.
Avec une légitimité fragile et une autorité encore complètement à construire, Emmanuel Macron pense s’en tirer avec verrouillages, autoritarisme et coups de menton.
Lourde erreur.
Deux exemples viennent immédiatement à l’esprit.

Tout d’abord l’humiliation publique infligée au chef d’état-major des armées.
Le moment choisi, le choix des mots, puis la réitération dans le JDD donne l’impression que le Président a fait un caprice.
En se mettant, et c’est un comble en situation de se faire subtilement renvoyer la balle par le haut-gradé.
Tout cela parce qu’Emmanuel Macron n’a pas bien saisi l’articulation des pouvoirs civils et militaires.
Nous ne rentrerons pas ici dans de longs développements sur cette question très importante, nous contentant de citer un spécialiste, qui éclaire le débat : Édouard de Castelnau, chef d’état-major de l’armée française en 1915, dans une réunion fermée s’adressant à Millerand, ministre de la Guerre, devant son refus d’instaurer un commandement interallié : « C’est une dérobade pour vous soustraire à vos responsabilités, à votre tâche. Parfaitement, Monsieur le ministre, c’est comme ça. Le gouvernement a des devoirs, les militaires en ont d’autres, mais chacun les siens. Nous autres généraux nous remplissons nos fonctions qui consistent à diriger les opérations, mais le gouvernement n’assure pas son devoir qui est de conduire la guerre. »

Eh oui Monsieur le Président, êtes-vous sûrs de remplir vos devoirs en laissant le ministère des finances amputer de 860 millions d’euros le budget de la défense, au moment où nos troupes sont dangereusement exposées à l’extérieur, et où elles doivent mener aussi un combat exténuant pour la sécurité intérieure face à la guerre que nous impose le terrorisme ?
De son côté, n’est-ce pas le devoir du chef d’état-major, chargé de conduire ces opérations de demander à en disposer des moyens ?
Et de le faire dans une réunion fermée du conseil de défense, puis devant une Commission de la Défense du Parlement siégeant à huis clos ?
Étant entendu qu’il serait insultant au regard de l’esprit de responsabilité qu’il a toujours manifesté de penser que la fuite vienne de lui.
Vous êtes effectivement, et actuellement le chef des armées Monsieur Macron, mais c’est le Parlement qui adoptera le budget.
Que cela vous plaise ou non et vous devrez faire avec.

Votre discours du 13 juillet à l’hôtel de Brienne est une faute républicaine.

Le deuxième exemple est relatif à la déclaration d’Emmanuel Macron dans son discours de commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’, à propos du meurtre de Sarah Halimi : «Malgré les dénégations du meurtrier, la justice doit faire désormais toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi ».
Je le croyais chef de l’exécutif et garant de l’indépendance de la justice.
Eh bien cela ne l’empêche pas de lui donner des ordres !
Et cela pour prendre la pose, le jour de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv’.

Je ne connais pas le contenu exact du dossier Halimi, mais j’avais été très choqué de l’attitude de la presse qui avait soumis cette affaire à un véritable black-out.
Pour ne pas gêner la campagne électorale de Macron d’ailleurs.
Je suis moi-même très surpris de l’absence de la qualification « antisémite », mais il est possible, sinon probable que le magistrat instructeur qui traite le dossier ait présentement des raisons d’adopter cette attitude.
En tout cas il travaille sous le contrôle des juridictions supérieures et n’a aucun ordre à recevoir d’Emmanuel Macron.

Et l’actuel Président de la République était la dernière personne à pouvoir prendre publiquement une telle position avec une telle formulation.
J’imagine les réactions des syndicats de magistrats si Nicolas Sarkozy s’était permis ce genre de choses.
Là il n’y a pas beaucoup de risques, l’ancienne dirigeante du Syndicat de la Magistrature poursuivie pour l’affaire du « mur des cons » vient de recevoir une belle promotion.

Bon, on commence à comprendre la méthode.

Après avoir humilié les militaires, pour imposer son « autorité » Emmanuel Macron s’assoit sur les principes constitutionnels et humilie également les magistrats.

À qui le tour ?

Monsieur le Président, ne confondez pas « Chef » et « petit chef ».

Ce n’est vraiment pas la même chose.

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