Translate

samedi 27 février 2016

Martine joue au billard

                                                    
 
Le 27/02/2016
 
Elle boudait dans son coin. Elle attendait son heure.

Certes, Martine Aubry n’est plus ce qu’elle était.
Le temps n’est plus où la dame des trente-cinq heures jouait les premiers rôles : ministre du Travail, premier secrétaire du PS, candidate à la primaire de la gauche…
Battue en 2007 par François Hollande, ignorée par celui-ci, écartée du gouvernement, sans mandat national, la fille de Jacques Delors et de Pierre Mauroy a perdu au fil des années, personnellement ou par personne interposée, la quasi-totalité des positions qu’elle occupait : le contrôle de la région, du département du Nord, de la fédération, de la communauté d’agglomération.
 De la citadelle jadis formidable que lui légua son prédécesseur ne lui reste que le donjon, cette belle mairie où elle s’est barricadée.
 Son destin national est apparemment derrière elle.
Ne sous-estimons pour autant ni sa capacité de nuisance ni son goût pour les plats qui se mangent froids.
Sous son air bonasse et ses allures de sainte nitouche, vestale du socialisme de papa, le maire de Lille est à elle seule tout un bestiaire : de l’éléphant elle a la mémoire, du serpent la prudence, de la mule la rancune, du scorpion le venin.
En témoigne le joli coup de billard à trois bandes qu’elle méditait et qu’elle vient de réussir.
Qui est apparemment visé et officiellement ciblé par la philippique publiée l’autre jour dans Le Monde ?

Manuel Valls et ses déclarations martiales sur l’immigration et la déchéance nationale, Manuel Valls et son projet de réforme du Code du travail, Manuel Valls, son complice Macron et tous ceux qui les suivent et ont introduit le cheval de Troie libéral dans l’acropole socialiste.
Mais qui est atteint par un ricochet savamment calculé, qui d’autre que le Président dont le gouvernement tient sa légitimité, reçoit les ordres et suit les orientations ?
Alors que François Hollande, toujours socialiste d’étiquette, rappelait l’ancienneté de son engagement à gauche tout en menant sa grande opération de séduction du centre et de la droite, non sans quelque succès, à en juger par les commentaires favorables que son grand tournant libéral suscite dans les milieux patronaux et par l’intention affichée par nombre de parlementaires d’opposition de voter, telle quelle ou amendée, la loi « El Khomri », alors que le bientôt ex-Président mais futur candidat escomptait tenir jusqu’au bout les deux bouts de la chaîne et, tel Dom Juan courtisant à la fois Charlotte et Mathurine, faire risette à la gauche et conter fleurette à la droite, Martine Aubry lui casse la baraque et lui met le marché en main.

Le chef de l’État, que ses habitudes et son tempérament portent à aller de l’avant à reculons et tout droit entre deux zigzags, s’apprêtait à louvoyer habilement entre les écueils et à négocier, avec sa majorité et son opposition, le détail d’un texte qui, en bout de course, aurait tenu compte des objections des frondeurs en satisfaisant, pour l’essentiel, aux exigences du MEDEF.
Le voici mis en demeure de faire un choix franc et net, ce dont il a le plus horreur.

Ou bien il rétablit le culte socialiste, ses idoles, ses totems, ses tabous, il abandonne en rase campagne un Premier ministre qui a proclamé urbi et orbi qu’il était décidé à aller jusqu’au bout et son plan de communication pour 2017 s’effondre, Manuel Valls et Macron, en reprenant leur liberté, le privent de son aile droite et vont peut-être même jusqu’à entrer en dissidence.

 Il est vrai qu’en revanche, nul ne lui conteste plus le droit de rallier ce qui restera du PS et de mener une troupe décimée et démoralisée à une défaite assurée derrière son panache fané.

Précisément ce dont il ne veut pas.

Ou bien il maintient son cap et la primaire de la gauche a bien lieu.

 Qu’il s’y dérobe ou qu’il s’y résigne, dans cette hypothèse, il se retrouve avec, outre Mélenchon, au moins un autre concurrent issu de son propre camp, et c’est la certitude d’être battu.

Exaltante perspective.

En s’envolant pour Wallis et Futuna, François Hollande n’avait pas prévu que le kawa du retour serait si difficile à avaler.

Bien joué, Martine.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.