Translate

jeudi 17 juillet 2014

Comment la droite confie Bobigny à des petits caïds

Jeudi 17 Juillet 2014 à 05:00
Perrine Cherchève et Mathias Destal
   

La ville de Bobigny vue du ciel - HALARY/SIPA
 
La ville de Bobigny vue du ciel - HALARY/SIPA
 
  Exclusif. L’UDI a ravi au PCF la mairie de Bobigny au printemps dernier. Pour y parvenir, l’équipe centriste, activement soutenu par l'un des secrétaires généraux du parti, Jean-Christophe Lagarde, a noué de curieuses alliances dans les cités qui ont débouché sur un climat détestable.

 Pressions, menaces, intimidations, la ville de Seine-Saint-Denis vit dans une ambiance digne d’un (mauvais) polar comme le révèlent les enregistrements que nous nous sommes procurés.
 Une enquête à lire dans son intégralité dans "Marianne" en kiosques demain et disponible, dès aujourd'hui midi, au format numérique. Extrait.
    
Il est 18 heures, ce mardi 8 juillet.
 La mairie de Bobigny est déserte.
 La quasi-totalité du personnel et des élus municipaux ont fini leur journée.
Seul le 2e étage, où sont installés les bureaux du nouveau maire UDI, Stéphane De Paoli, et de ses adjoints, montre des signes d’activité.
Derrière la porte de son premier adjoint, Christian Bartholmé, chargé des finances, du personnel et de l’économie, se déroule une bien étrange scène…
 Autour de la table, Christian Bartholmé est en compagnie de Kianoush Moghadam, Jonathan Berrebi et Ramdan Ould-Ahmed.
Trois trentenaires récemment promus à des postes clés : Moghadam est à la tête de la direction du développement territorial ; Berrebi préside l’office HLM ; Ould-Ahmed est à la direction de l’animation du territoire.
 
Ces quatre hommes encadrent une cinquième personne : Sabrina Saidi, adjointe au maire chargée de la petite enfance.
 Ils soupçonnent la jeune femme de 33 ans d’être à l’origine d’un tract anonyme distribué fin juin dans les boîtes aux lettres des Balbyniens.
Le document, intitulé « J’attire votre attention », fait état des antécédents judiciaires et de la vie conjugale de Lynda Benakouche, fraîchement embauchée à la mairie comme chargée de mission des politiques sociales urbaines.
 Elle « a été condamnée, dans le passé, pour avoir séquestré et violenté en réunion une jeune femme enceinte de six mois ».
 Le tract enchaîne sur le CV de son compagnon, Jean-Christophe Soumbou, dit « Crapaud » : « Incarcéré pour séquestration, acte de barbarie, meurtre sur le jeune Ilan Halimi. »

La plupart des faits mentionnés sont exacts : Lynda Benakouche est bien l’amie de l’ancien bras droit de Youssouf Fofana, cerveau du « gang des barbares », dont elle attend un enfant.
Et, selon le Parisien, elle a bien été condamnée en 2005, à l’âge de 21 ans, à une peine d’emprisonnement de un mois ferme pour avoir enlevé avec une amie une fille de Bobigny, avant de la passer à tabac au sous-sol d’un immeuble.
Une information manque à ce « palmarès » : elle a aussi été condamnée pour des faits de violence en 2003.
Mais, pour Christian Bartholmé et ses ouailles, la diffusion de ce tract est seulement… un affront fait à leur équipe, laquelle vient seulement de conquérir la ville, après quatre-vingt-quinze ans de gestion communiste.
La chasse au corbeau est décrétée.

Avant de se rendre à ce rendez-vous, Sabrina Saidi s’est procurée un Dictaphone pour enregistrer l’échange.
Au cas où.
Cette bande sonore, Marianne a pu se la procurer.
Elle révèle des méthodes digne d’un film mafieux, où menaces et intimidations émaillent l’ensemble d'un échange qui aura duré près de 2 heures.
 
D’emblée, Kianoush Moghadam sonne la charge : « Le mari de Lynda est un ami. […] Le mari de Lynda est en prison, il a fait un truc… Il est en prison depuis huit ans. Il a pris dix-huit ans. Pas huit ans, dix-huit ans. Lynda, je me sens responsable vis-à-vis d’elle quelque part… »
 Le cas de Lynda, compagne d’un des meneurs du « gang des barbares », est une histoire de famille, de clan, qu’il faut régler vite et bien. 
« Pourquoi on ne parle pas devant les gens, à ton avis ? Parce que ça reste entre nous [...] Et ça n'arrivera surtout pas aux oreilles de Lynda, surtout pas... »
 


« Tu es rentrée sur un terrain qui est dangereux pour toi… » glisse-t-il plus loin.
Avant de perdre patience et d’exploser : « Ferme ta gueule, ferme-la, ta gueule, tu crois que tu parles à qui ? Tu crois que tu parles à qui, ici ? Tu parles à Kianoush, là ! Réveille-toi, y a personne qui me parle comme ça dans cette ville ! »



Kianoush Moghadam l'intouchable ?
 Celui qui a la charge du développement territorial de la ville est en tout cas très proche du député-maire UDI de la commune voisine de Drancy, Jean-Christophe Lagarde.
Jusqu’à très récemment, il était même assistant parlementaire du secrétaire général de l’UDI.
Lagarde est aussi un proche parmi les proches de Christian Bartholmé.
Pour preuve, le premier adjoint de Bobigny est toujours directeur de cabinet adjoint du maire de Drancy...

Jusque-là en retrait, Christian Bartholmé entre en scène. 
« J’ai 50 ans, je ne fais pas beaucoup confiance aux gens, entame Bartholmé. En revanche, il faut que je tienne compte de ce qu’on me dit… Je vais te dire un truc : des fois, il faut que tu te contrôles. Tu dis des choses… Il faut que tu fasses attention. […] Tu ne te rends pas compte de la connerie que tu racontes, alors réfléchis bien. […] Je suis un peu loin, mais je suis quand même lié à Lynda. On est passés par des trucs compliqués avec Lynda, avant qu’on ne te connaisse. C’est une fille que j’aime bien. […] C’est vachement dangereux pour elle. […] Super dangereux pour la cohésion du groupe, pour la municipalité, pour la réputation de chacun d’entre vous. Donc, si tu as la moindre info, crache-la. […] Parce que c’est aussi dangereux pour tes miches… A toi, maintenant. »

 

Choquée, Sabrina Saidi a déposé plainte pour menace de mort le lendemain.
Hier, mercredi 16 juillet, dans la matinée, les quatre hommes ainsi que l'adjointe au maire ont été convoqués au commissariat de Bobigny...

source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.